Burundi: la persécution impitoyable et continue des défenseurs des droits humains

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Burundi: la persécution impitoyable et continue des défenseurs des droits humains

/ A la Une / Friday, 26 February 2021 18:52


Par Maître Armel Niyongere, avocat aux barreaux du Rwanda et de Bruxelles inscrit sur la liste de Conseils de la Cour Pénale Internationale (CPI) et Président de l'association Action des Chrétiens contre la torture (Acat-Burundi).

Depuis Avril 2015, le Burundi traverse une crise politique majeure. Elle se caractérise notamment par des violations massives et continues des droits humains.

Le Burundi traverse une crise politique majeure depuis le mois d’avril 2015. Elle se caractérise par des violations continues et massives des droits humains. Cette crise tire son origine de la candidature controversée de Pierre Nkurunziza à un troisième mandat, jugée inconstitutionnel. Une répression sanglante a été organisée par le pouvoir burundais contre les manifestations pacifiques organisées, taxées par le pouvoir de « mouvement insurrectionnel ». Pour se mettre à l’abri, plusieurs membres de la société civile et des médias, avec en tête les responsables de différentes organisations de la société civile, ont été forcés de s’exiler. Entretemps, des mesures arbitraires ont été prises à leur égard,  notamment, la saisie de leurs comptes bancaires personnels,  la suspension et la radiation des associations et médias indépendants.

L’alternance au sommet de l’État, en juin 2020, avec l’avènement du Général Evariste Ndayishimiye, Président du Burundi, n’y a rien changé. Bien au contraire. La répression des opposants politiques supposés et des défenseurs des droits humains se poursuit de façon implacable, galvanisée par  des discours de haine et d’incitation à la haine inter-ethnique qui contribuent à entretenir un climat de peur.

Répression continue des défenseurs des droits humains par le biais d’une justice totalement instrumentalisée

Pour mâter les défenseurs des droits humains impliqués dans les manifestations, le pouvoir est passé par la justice qui est devenue un des instruments privilégiés de répression.  Ainsi, en novembre 2015, le procureur général a procédé à la fermeture des comptes bancaires d’une dizaine d’organisations de la société civile ainsi que ceux de leurs représentants[1], dont celui de Maître Armel Niyongere et de l’association Action des Chrétiens contre la torture (Acat-Burundi), qu’il dirigeait.  Depuis lors,  ces comptes sont gérés par ces nouveaux mandataires désignés de manière totalement opaque. 

Plus tard, le 19 octobre 2016, une autre étape a été franchie. Le ministre de l’intérieur a procédé à la radiation de certaines des principales organisations œuvrant pour la défense des droits de l’homme et de suspension des activités de certaines autres, dont l’ACAT-Burundi[2].

Clairement, les avocats engagés dans la défense des victimes des crimes commis depuis 2015 des différentes atrocités constituent une des principales cibles du pouvoir burundais. La raison de cet acharnement étant qu’ils sont devenus des témoins et des porte-voix, déterminés et gênants,  des violations des droits de l’homme au Burundi, en produisant des rapports alternatifs, et en représentant les victimes auprès de différents mécanismes internationaux juridictionnels ou quasi-juridictionnels, notamment le Comité contre la Torture des Nations Unies (CAT),la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples,  la Cour de Justice de la Communauté d’Afrique de l’Est ou  la Cour pénale internationale (CPI).

Dans ce cadre, en dépit de l’opposition du barreau, la cour d’appel de Bujumbura a décidé, le 16 janvier 2017, de radier de l’ordre des avocats quatre défenseurs et responsables d’organisations, notamment Vital Nshimirimana, Dieudonné Bashirahishize, Armel Niyongere[3] et Lambert Nigarura. Ces sanctions ont été prises suite à la participation de ces avocats à la session d’examen du Burundi par le Comité contre la Torture (CAT) des Nations unies, en juillet 2016  au cours de laquelle ils avaient dénoncé, preuves à l’appui,  la pratique généralisée de la torture au Burundi.

Ces mesures répressives se succèdent sans répit. Le 2 février 2021, la Cour suprême du Burundi  a rendu public, avec huit mois de retard, un arrêt qui aurait été prononcé le 23 juin 2020. Il concerne plusieurs personnes, considérées comme opposants dont une dizaine de défenseurs de droits de la personne humaine, dont Maître Armel Niyongere. Elles ont écopé de condamnations à des peines de prison à perpétuité et au paiement de dédommagements exorbitants. Le but étant clairement de justifier la réalisation des patrimoines financiers des familles de ces personnes[4] .

Faire taire toute critique, étouffer les voix des victimes

Toutes ces décisions ont été rendues par les diverses juridictions alors que le droit de défense des accusés leur a été récusé. Au vu des peines et de l’arbitraire qui les caractérise, plusieurs observateurs s’accordent sur le fait qu’il s’agit de mesures de représailles à l’encontre de ces avocats en raison de leurs activités de défense des victimes des violations graves imputables aux agents et officiels du pouvoir burundais qui bénéficient d’une totale impunité. Les lourdes peines prononcées visent clairement à faire taire toute voix discordante et empêcher toute démarche visant à établir les faits et les responsabilités des crimes commis et rétablir les victimes dans leurs droits. La nomination de plusieurs personnalités, soupçonnées d’être impliquées dans des crimes graves, à de hauts postes de responsabilité, constitue un signal supplémentaire, en les mettant à l’abri de toute poursuite. Et lorsque les bourreaux paradent, les victimes n’ont d’autre choix que de vivre dans la peur, l’échine courbée, forcés de passer continuellement sous les fourches caudines.

Article publié sur http://ishr.ch/news

 


[1] « Burundi : Le procureur ordonne la clôture des comptes bancaires d'opposants », 23/11/2015, accessible au site web : https://www.aa.com.tr/fr/afrique/burundi-le-procureur-ordonne-la-cl%C3%B4ture-des-comptes-bancaires-dopposants/477992.

[2] Ordonnance ministérielle n°530/1922 du 19/10/2016 portant radiation définitive de certaines associations sans but lucratif ; Jeune Afrique, « Burundi : dix organisations de la société civile radiées ou suspendues et deux médias sanctionnés », 25/10/2016, accessible au site : https://www.jeuneafrique.com/368403/societe/burundi-dix-organis ations-de-societe-civile-radiees-suspendues-deux-medias-sanctionnes/

[3]FIDH, Représailles contre quatre avocats engagés dans la défense des droits humains, 18/01/2017, accessible au site web : https://www.fidh.org/fr/themes/defenseurs-des-droits-humains/represailles-contre-quatre-avocats-engages-dans-la-defense-des-droits

[4] Justice for Burundi, « Le Collectif des Avocats des Parties Civiles “ Justice for Burundi” s’insurge contre la poursuite des Avocats défenseurs des droits de la personne humaine au Burundi », 10/02/2021, accessible au site web : https://jfburundi.org/le-collectif-des-avocats-des-parties-civiles-justice-for-burundi-sinsurge-contre-la-poursuite-des-avocats-defenseurs-des-droits-de-la-personne-humaine-au-burundi/

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