Selon les informations recueillies par La Libre Belgique, une plainte a été déposée lundi à Kinshasa auprès le Procureur de la République et auprès l’auditeur général de l’armée congolaise (les FARDC) par 71 Banyamulenge vivant sur les hauts plateaux du Sud-Kivu, dans la région de Minembwe. En cause : les assassinats, viols, tortures, rapts, incendies de maisons et bâtiments agricoles, pillage de bétail, dont ils sont les victimes depuis 2018.
Des Tutsis congolais
Les Banyamulenge sont des Congolais d’ethnie tutsie. Leurs ancêtres sont arrivés sur les hauts plateaux du Sud-Kivu à la fin du XVIè siècle, à la suite d’une dispute avec le roi du Rwanda, dont ils étaient les sujets à l’époque. Personne ne vivait alors sur ces hauts plateaux peu accueillants et ils s’y installèrent. Il y a également des Tutsis congolais au Nord-Kivu.
Depuis les années 1970, cependant, des variations dans la loi sur la nationalité zaïroise puis congolaise ont entraîné une contestation de la nationalité de tous les Tutsis au Congo, qu’ils soient immigrés du Rwanda ou du Burundi, fils d’immigrés, installés au Congo depuis plusieurs générations ou depuis plusieurs siècles.
Il y a à cela deux raisons. La première est que contester la nationalité congolaise des Tutsis permet d’espérer pouvoir s’approprier leurs terres. À partir des années 90, s’y ajoute le fait que certains Tutsis congolais se sont enrôlés dans le Front patriotique rwandais (FPR, dominé par les Tutsis et aujourd’hui au pouvoir à Kigali) lorsqu’il combattait le régime Habyarimana. L’appui donné ensuite par Kigali à la rébellion du RCD contre Laurent Kabila (1998), puis les opérations de l’armée rwandaise au Kivu, au cours du nouveau siècle, ont achevé de cristalliser la rancœur contre les Tutsis congolais.
Celle-ci est, en outre, régulièrement attisée par des politiciens à la recherche d’une popularité facile, qui se présentent comme les défenseurs des “autochtones” contre tous les rwandophones ; plusieurs ethnies locales parlant des langues proches du kinyarwanda, leurs ressortissants sont souvent présentés, en toute ignorance, comme “rwandais”.
Depuis 2018, les exactions contre les Banyamulenge ont augmenté et pris un tour de plus en plus violent. Depuis 2019, des groupes armés “maï maï” (combattants irréguliers) des ethnies Fulero, Bembe et Nyindu s’affrontent à deux groupes “d’autodéfense” des Tutsis.
L’armée indifférente, voire complice
La plainte déposée lundi à Kinshasa vise des attaques entre 2018 et 2020. Elle l’a été par deux avocats du Sud-Kivu, appuyés par deux confrères de New-York, Me Jean-Paul Shaka, et de Bruxelles, Me Bernard Maingain, pour obtenir de l’État congolais qu’il défende les droits de ses ressortissants contre les exactions de leurs voisins.
En effet, l’armée congolaise, visée par ces plaintes, ne bouge pas le petit doigt lorsque des paysans tutsis viennent l’appeler au secours en cas d’attaque. Pire : elle fournit, selon les plaignants, conseils et munitions aux assaillants, quand des soldats congolais ne participent pas aux assauts.
La plainte est accompagnée d’une recension des discours de haine contre les Banyamulenge, parfois repris par des hommes politiques connus, ainsi que des vidéos et enregistrements.
La Libre Afrique