Contrairement aux Etats-Unis qui ont levé les sanctions à l’encontre de 11 personnalités burundaises, l’Union européenne (UE) vient de prolonger, jusqu’en octobre 2022, les sanctions, prises en 2015, contre 4 personnalités burundaises. Une décision cohérente selon les défenseurs des droits de l’Homme.
Le premier est le numéro 3 du régime de Gitega, l’actuel ministre de l’Intérieur, du Développement communal et de la Sécurité publique, Gervais Ndirakobuca alias Ndakugarika. Chef de cabinet à la présidence chargé des questions de la police nationale à l’époque, il est accusé par l’UE d'avoir fait obstacle à la recherche d'une solution politique au Burundi en donnant des instructions ayant entraîné un recours disproportionné à la force, des actes de violence, des actes de répression et des violations du droit international des droits de l'homme à l'encontre des manifestants descendus dans la rue à partir du 26, 27 et 28 avril dans les quartiers de Nyakabiga et Musaga en Mairie de Bujumbura. Et cela à la suite de l'annonce du 3ème mandat de feu président Pierre Nkurunziza à l'élection présidentielle.
Le deuxième est Godefroid Bizimana, directeur général adjoint de la police nationale en 2015. Il est tenu responsable d'avoir porté atteinte à la démocratie en prenant des décisions opérationnelles ayant entraîné un recours disproportionné à la force et des actes de répression violente à l'égard des manifestations pacifiques qui ont commencé le 26 avril 2015 après l'annonce de la candidature du président Nkurunziza à l'élection présidentielle.
Le troisième est Joseph Mathias Niyonzima alias Kazungu, agent du Service national de renseignement (SNR) accusé d'avoir aidé à former les milices paramilitaires Imbonerakure, à coordonner leur action et à les armer, y compris à l'extérieur du Burundi, ces milices étant responsables d'actes de violence, de répression et de graves atteintes aux droits de l'homme au Burundi.
Et enfin, Léonard Ngendakumana. En 2015, il était le chargé des missions à la présidence de la République. Général à l’époque, il a participé à la tentative de coup d'Etat du 13 mai 2015. L’UE estime qu’il est responsable d'actes de violence et attaques à la grenade commis au Burundi, ainsi que d'incitations à la violence. Le général Léonard Ngendakumana a publiquement déclaré qu'il approuvait la violence en tant que moyen d'atteindre des objectifs politiques.
Une décision à saluer
« La décision qui vient d'être prise par le Conseil de l'Union européenne est cohérente avec les valeurs que partagent les pays européens. Elle est à saluer », indique Me Dieudonné Bashirahishize, juriste et défenseur des droits humains. Au regard de la situation actuelle des droits de l'Homme qui ne s'améliore pas, poursuit-il, c'est une décision qui s'imposait d'autant plus que les exécutions extra-judiciaires et les disparitions forcées des opposants continuent et s'accentuent. « Elle se démarque de la récente décision des Etats Unis d'Amérique qui ne saurait avoir une justification objective si on compare la situation actuelle et celle qui avait poussé ce pays à prendre ces mesures. La passation du pouvoir après des élections tronquées ne peut pas être un motif valable d’une levée de sanctions. »
Quant à une éventuelle influence de cette décision sur la situation sociale et politique, Me Dieudonné Bashirahishize trouve hasardeux de prévenir ses effets dans l'avenir.
« Elle pourra peut-être pousser le pouvoir à voir la réalité en face et d'arrêter ces crimes, mais rien n'est certain pour ce régime imprévisible qui ne tient pas compte de l'intérêt du pays et de la population. Le gouvernement de Gitega est engagé dans une fuite en avant et semble déterminer à protéger les responsables des crimes qui n'agissent pas de façon isolée. » Pour ce juriste, l'impunité des crimes internationaux ne devrait pas être toléré dans le but de faire les yeux doux à un régime totalitaire qui pratique une intolérance assumée.
Steve Baragafise