Le nouveau président burundais, Évariste Ndayishimiye, doit être investi le plus rapidement possible, après la mort soudaine de son prédécesseur Pierre Nkurunziza, a décidé vendredi la Cour constitutionnelle, pour éviter au pays toute instabilité.
La Cour a conclu dans son arrêt rendu immédiatement public que l'intérim prévu par la Constitution n'était "pas nécessaire" et qu'il fallait "procéder, le plus tôt possible, à la prestation de serment" du général Ndayishimiye.
Elu à la présidentielle du 20 mai, M. Ndayishimiye devait initialement prendre ses fonctions le 20 août, à la fin du mandat de M. Nkurunziza, décédé lundi à l'âge de 55 ans, officiellement d'un "arrêt cardiaque".
Selon la Constitution de 2018, en cas de vacance de poste définitive de la présidence, l'intérim est censé être assuré par le président de l'Assemblée nationale, poste actuellement occupé par Pascal Nyabenda.
Mais la Cour a considéré que "l'objet de l'intérim disparaît par le fait juridique de l'existence d'un nouveau président élu".
La mort inopinée de M. Nkurunziza, au pouvoir depuis 15 ans, a ouvert une période d'incertitude pour son pays, dont l'histoire est marquée par des crises politiques meurtrières et une longue guerre civile.
Le régime souhaitait donc accélérer la prise de fonctions de M. Ndayishimiye pour éviter toute turbulence. Acquise à sa cause, la Cour constitutionnelle l'a suivi sur ce point.
Le général Ndayishimiye, dauphin désigné de M. Nkurunziza par le parti au pouvoir, le CNDD-FDD, avait remporté la présidentielle avec 68,70% des voix.
- 'Éviter les tensions'
La Cour constitutionnelle avait rejeté le recours du principal parti d'opposition, le Conseil national pour la liberté (CNL) d'Agathon Rwasa, qui avait dénoncé une "mascarade électorale" marquée par de nombreuses irrégularités.
Dans les faits, la décision de renoncer à un intérim a été prise par les quelques généraux issus de l'ancienne rébellion hutu lors de la guerre civile (300.000 morts entre 1993 et 2006) qui partageaient la réalité du pouvoir avec M. Nkurunziza.
"Les généraux ont finalement opté pour une intronisation immédiate du président élu pour éviter une longue période de transition et les tensions qui pourraient naître de ce fait" entre eux, a indiqué à l'AFP un haut responsable burundais.
Il voulaient "faire rapidement pour que les cérémonies d'inhumation de Nkurunziza soient dirigées par un président de plein exercice", a ajouté cette source, qui a requis l'anonymat.
M. Nyabenda aurait été le premier choix de M. Nkurunziza pour lui succéder. Mais ces généraux avaient eu gain de cause en imposant l'homme de leur choix, Évariste Ndayishimiye.
La mort de Pierre Nkurunziza, un chrétien évangélique "born again" qui considérait son pouvoir d'essence divine, a provoqué un immense choc au Burundi, même si son héritage est extrêmement controversé.
Sa candidature contestée par l'opposition à un troisième mandat en avril 2015 avait débouché sur une crise politique qui a fait plus de 1.200 morts et conduit 400.000 Burundais à l'exil.
- 'La main tendue'
D'autre part, plus de 75% des Burundais vivent sous le seuil de pauvreté, contre 65% à son arrivée au pouvoir en 2005.
Réputé plus ouvert que son prédécesseur, M. Ndayishimiye aura fort à faire pour réconcilier son pays et relancer son économie. Mais la communauté internationale semble prête à lui donner sa chance.
"On va jouer avec nos partenaires belges et de l'UE la carte de la main tendue au nouveau président burundais pour essayer de l'impliquer dans un jeu collectif", a indiqué une source à la présidence française.
"Pour la première fois on va avoir en responsabilité un interlocuteur qui n'est pas dans la fuite en avant, dans la foi divine", a-t-elle ajouté.
Sa foi avait conduit M. Nkurunziza à maintenir les élections, expliquant que Dieu protégeait le Burundi du nouveau coronavirus. Mais une partie du pays s'interroge maintenant sur la possibilité qu'il ait succombé au Covid-19.
Une source médicale à l'hôpital de Karusi, où il est décédé, a affirmé à l'AFP qu'il était en "détresse respiratoire" quand il est mort. Et son épouse, Denise Bucumi, avait été testée positive au coronavirus lors de son hospitalisation fin mai à Nairobi, selon un document médical consulté par l'AFP.
Depuis trois jours, les responsables politiques, religieux ou de la société civile se succèdent pour signer un livre des condoléances. Agathon Rwasa est le seul qui soit arrivé avec un masque sur le visage pour, selon un de ses proches, "dire au peuple qu'il est important de se protéger" contre le coronavirus.
En solidarité avec le Burundi, où un deuil national a été décrété, le Kenya et l'Ouganda ont décidé d'abaisser à mi-mât leur drapeau sur les bâtiments publics à partir de samedi jusqu'aux funérailles de M. Nkurunziza, dont la date n'est pas encore connue.
AFP