Le Mini-sommet de GOMA va bel et bien avoir lieu ce dimanche, 20 septembre 2020. A l’Agenda, 5 Chefs d’Etats vont y participer. Deux d’entre eux ont déjà annoncé officiellement leur participation. Il s’agit du Président Rwandais Paul Kagame et du Président Ougandais Yoweri Museveni qui vient de l’annoncer ce mardi à travers l’Ambassadeur de la République de l’Ouganda en République Démocratique du Congo James Mbahimba.
« Une équipe d’experts ougandais sera à Goma dès ce mercredi 16 septembre. En attendant l’arrivée des chefs d’Etat, la réunion ministérielle se tiendra samedi, 19 septembre 2020. De notre côté, nous nous félicitons des relations cordiales avec la RDC qui précèdent ce mini-sommet. C’est notamment en matière de développement des infrastructures routières », a fait savoir l’Ambassadeur James Mbahimba.
Ce sommet devrait réunir les chefs d’Etat du Rwanda, de l’Ouganda, de l’Angola et de la RDC. Il sera axé sur la sécurité, les échanges commerciaux, l’économie et la Covid-19. L’Opinion s’attend à de grandes annonces. Ce mini-sommet donne des raisons d’espérer car dans l’histoire de la sous-région, il arrive peu de fois qu’un Président organise un sommet qui marque la présence de 5 chefs d’Etat. Tant les questions à la table sont importantes et les engagements ne devraient tarder.
La sécurité de la sous-région, un des points clés du mini-sommet
C’est une question épineuse qui divise les Etats de la sous-région. Cette question est marquée par deux données essentielles : la présence des groupes armés à l’Est de la RDC et les difficiles relations bilatérales burundo-rwandaises et rwando-ougandaises. D’ailleurs, le Président Tschisekedi en est à sa deuxième tentative d’inviter les Etats de l’Est de la Région à étudier comment éradiquer l’insécurité dans les provinces du Nord et Sud-Kivu. Dans cette partie s’étendent d’infinies platebandes arborisées et incontrôlées, des mouvements armés illégaux tant étrangers que locaux qui y ont élu leurs quartiers généraux. Ils échappent parfaitement au contrôle des FARDC et de la Monusco.
Vers une gestion conjointe de ce défi sécuritaire ?
C’est la principale conclusion qu’il faudra peut-être s’attendre à ce mini-sommet même si sa faisabilité reste incertaine. En 2019, après sa fraiche élection, le Président Tschisekedi avait suggéré une rencontre des chefs d’Etats-Majors des pays de l’Afrique des Grands-lacs. Il jugeait que l’insécurité qui prévalait dans cette partie de la RDC avait un impact très significatif sur ses voisins. Tchisekedi avait été influencée par de grandes figures de la société civile locale dont le Président du Centre d’Etudes pour la promotion de la paix, la démocratie et les droits de l’Homme de la région de Beni, au grand nord de la province du Nord-Kivu :
«Aujourd’hui, on fait face à des mouvements comme les Allied Democratic Forces of Uganda, les Forces Démocratiques de Libération du Rwanda, les Forces Nationales de Libération Burundaises et autres qui ont un caractère transfrontalier. Il importe que les Etats d’où viennent ces rebelles soient mis à contribution pour qu’on arrive à bout de ces mouvements », indiquait-il à la Radio Okapi, le 24 Octobre 2019.
A ce sujet, des documents attribués au Chef d’Etat-Major des FARDC annonçaient déjà d’une création d’un Etat-Major intégré qu’allaient former les armées de ces quatre pays pour traquer des groupes armés encore actifs à l’Est de la RDC. Cette idée ne donnera pas lieu à la satisfaction. Certains pays ont été accusés de vouloir maintenir le statu quo à l’Est de la RDC. Il s’agissait entre autres de l’Ouganda et du Burundi « qui se croyaient fortes à venir à bout du Rwanda en renforçant leur soutien aux groupes armés rwandais qui devraient foudroyer le régime en place au Rwanda », lit-on sur actualités .cd. Selon ce journal, la suite est connue.
« La supposée opération Sokola II faite de contingent des FARDC pour ratisser l’Est de la RDC a appliqué son balai dans ces montagnes inaccessibles pour, immédiatement, détruire ces camps et prendre des prisonniers de guerre dont les chefs du mouvement rwandais du changement démocratique pour les renvoyer au Rwanda. »
Cette opération aurait fait que les Etats-Majors de l’Ouganda et du Burundi perdent tout espoir de revanche sur Kigali et qui se seraient résignés à négocier la paix pour la sécurité de la sous-région. Une forte méfiance conséquente à cette situation s’observait toujours entre l’Ouganda et le Rwanda. Ces deux pays s’accusent mutuellement d’espionnage, d’ingérence et de déstabilisation. Ainsi, c’est dans ce décor que ces chefs d’Etats vont renégocier la cogestion du ratissage de ces groupes armés de l’Est de la RDC.
Jusqu’ici, les medias de la RDC dont la Radio Okapi estiment que ce mini-sommet veut décrisper les tensions entre le Burundi et le Rwanda et l’Ouganda et le Rwanda. Mais certains observateurs disent qu’il s’agit d’une observation très simpliste de voir les choses, l’affaire étant plus que sérieuse selon l’avis de cet observateur.
« Ni l’Ouganda ni le Burundi ne peuvent abriter des foyers de guérilla contre le Rwanda. Tout ce qu’ils peuvent, c’est d’appuyer ces foyers qui profitent de l’immensité, du relief accidenté et de l’ingouvernabilité d’une grande partie de la RDC pour s’y implanter. Dans ce travail de ratissage, le Rwanda pourrait faire l’affaire. Il lui suffira certaines influences dont celles de la Monusco contre l’idée de cet Etat-Major intégré des Forces Armées des pays de la Région avec à leur tête, un commandant suprême congolais, pour voir l’Uganda et le Burundi se désolidariser du souhait de Tschisekedi. Dans ce jeu, le poids de Joao Lourenco, le Président Angolais est décisif pour changer les cartes de la région. Mais c’est aussi le cas de la Monusco et de l’ICGLR très influents et qui font souvent pencher la balance où ils veulent dans de tels contentieux internationaux entre les Etats.»
A l’instant, le Burundi a souhaité de parler avec le ministère des Affaires étrangères de la RDC avant la tenue du mini-sommet dont la présence d’Evariste Ndayishimiye n’est pas encore officiellement confirmée ou infirmée.
De possibles engagements qui se feront sur un terrain de conflits persistants.
De l’autre côté de la RDC, un nouveau groupe armée vient de naitre dans la foulée du mini-sommet. Il se nomme Coalition des mouvements pour le changement du Congo (CMC). Il opère dans le territoire de Rusthuru, au Nord-Kivu. De plus, au mois de mars de cette année, l’Envoyé spécial du Secrétaire général pour la région des Grands Lacs, Monsieur Said Djinnit, a averti, devant le Conseil de sécurité, qu’en dépit de l’évolution positive dans la région, en raison notamment de la passation pacifique du pouvoir en République démocratique du Congo (RDC), la présence continue de forces négatives dans l’est de ce pays perpétue l’insécurité et la mésentente entre certains pays.
« Des allégations de soutien de gouvernements de la région à de tels groupes et d’interférences transfrontalières ont continué de menacer les relations cordiales et la stabilité», avait mis en garde le haut fonctionnaire, qui a aussi cité l’exploitation et le commerce illicites continus de ressources naturelles et la réémergence de tensions entre certains États. C’est un constat et des préoccupations partagés par l’ensemble des délégations qui étaient présentes lors de cette session. M. Djinnit avait salué l’évolution positive que la région a connue dernièrement, en particulier la tenue d’élections pacifiques en RDC, la signature de l’Accord revitalisé sur le règlement du conflit au Soudan du Sud sous les auspices de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD), et l’accord de paix entre le Gouvernement de la République centrafricaine (RCA) et 14 groupes armés facilité par l’Initiative africaine pour la paix et la réconciliation de l’Union africaine.
Au cours de la neuvième réunion de haut niveau du Mécanisme régional de suivi, les dirigeants de la Région des Grands Lacs avaient souligné qu’il fallait coopérer plus étroitement pour neutraliser les forces qui déstabilisent la région. D’ailleurs, ce mécanisme a été présenté comme l’un des moyens pouvant aider à régler la persistance de la violence qui s’observe souvent dans cette région mais sa réussite et sa mise en application n’a pas été à la hauteur des attentes. «Cet accord devrait opérer comme un catalyseur d’action, mais il ne fonctionne pas à un niveau optimisé actuellement » déplore la France qui s’inquiète des tensions persistantes entre signataires, exacerbées par la menace posée par les groupes armés, et le préjudice causé par la poursuite de l’exploitation illégale et du trafic des ressources naturelles.
Cette situation d’insécurité permanente dans la Région des Grands Lacs ne semble pas se régler d’un coup de bâton magique car le délégué de la République Démocratique du Congo au conseil de sécurité des Nations-Unies vient de révéler, en mars dernier, que selon les informations en leur possession, « les forces démocratiques alliées, les ADF auraient fait allégeance, depuis octobre 2017, au groupe djihadiste de l’État islamique, de qui ils recevraient le financement pour leurs activités visant à faire de la partie est de la RDC l’épicentre du rayonnement de l’État islamique en Afrique centrale, orientale et australe ».
Pour y faire face, M. GATA MAVITA WA LUFUTA a plaidé pour une révision des stratégies des Forces armées de la République démocratique du Congo (FARDC) et de la MONUSCO pour neutraliser rapidement cette force négative en vue de sécuriser durablement cette partie du pays. Il avait aussi condamné la présence d’un groupe armé connu sous le nom de « P5 » au Sud-Kivu « une situation qui risque de nous entraîner dans un autre conflit armé ».
Le représentant de la RDC au conseil de sécurité avait aussi réitéré son appel à la communauté internationale pour la mise en œuvre de l’Accord-cadre. C’est dans ce contexte qu’il faut circonscrire les visites dans les pays de la région du Président Felix Tshisekedi, qui a dit que « la RDC située au cœur du continent africain avec neuf pays voisins accordera la priorité à la consolidation de la paix régionale » Pour lui, le Président Felix Tshisekedi « privilégiera une politique étrangère axée sur le bon voisinage et le dialogue constructif avec nos neuf voisins pour assumer notre part de responsabilité sur le plan de la stabilité régionale notamment au sein de la Conférence internationale sur la région des Grands Lacs»
B.N |IPM BUJUMBURA