La Cour de cassation de Paris a validé ce mercredi 30 septembre la remise du présumé génocidaire rwandais Félicien Kabuga à la justice internationale. La France a donc maintenant un mois pour le remettre au Mécanisme pour les tribunaux pénaux internationaux (MTPI).
La Cour de cassation a finalement rejeté le pourvoi introduit par les avocats de Félicien Kabuga pour lui éviter ce transfert. Le présumé génocidaire rwandais sera donc remis à la justice internationale.
Elle confirme ainsi la décision prise en juin dernier par la Cour d'appel de Paris. Une Cour qui, aux yeux des juges, a « correctement » fait son travail et « valablement » examiné la question de l'état de santé de Félicien Kabuga avant de conclure qu'il n'était pas incompatible avec son transfert.
Rappelons que pour ses avocats, Félicien Kabuga, 87 ans, a une santé précaire. Ils ont tenté de démontrer qu'un tel transfert était dangereux pour sa santé. Un argument qui n'a pas été retenu.
La France a maintenant un mois pour organiser la remise de l'octogénaire au Mécanisme pour les tribunaux pénaux internationaux (MTPI), créé pour poursuivre les affaires qui n'avaient pas été jugées par le Tribunal spécial sur le Rwanda, aujourd’hui dissout.
Pour le moment, c'est un transfert à Arusha qui est prévu mais le procureur n'exclut pas de faire une nouvelle requête pour demander qu'il soit finalement acheminé à la Haye, où le Mécanisme dispose également d'une antenne. Cela dépendra sans doute des informations qui seront recueillis à la fois sur l'épidémie de Covid-19 et la santé de Félicien Kabuga.
De nombreuses inconnues planent avant un procès
Le procureur du mécanisme pour les tribunaux internationaux parle de quelques mois mais il reste en réalité de nombreuses inconnues.
D'abord, le mandat d'arrêt qui a permis de l'arrêter date de 1997 donc l'acte d'accusation qui a servi de base à son arrestation a 23 ans. Il y a donc un travail de mise à jour qui s'impose. Ce travail a d’ailleurs déjà débuté. Le procureur Serge Brammertz a mis sur pied une équipe de 10 personnes à Kigali. Ils travaillent à identifier les témoins toujours en vie ou les nouvelles preuves ou éléments d'information qui n'étaient pas connus à l’époque. Un travail de fourmi.
Il salue une décision certes « attendue » mais importante pour les victimes. Il n'est pas en mesure de dire pour le moment dans quel délais pourra s'ouvrir le procès, mais assure qu'il fera son possible pour que cela soit le plus rapidement possible.
Autre inconnue : la question de l'état de santé de Félicien Kabuga. Depuis le début sa défense use tous les moyens pour retarder la procédure. On peut donc penser qu'auprès de la justice internationale aussi ils vont activer tous les leviers possibles, voire même tenter de démontrer qu'il n'est pas apte à suivre un procès.
Devant la Cour de cassation son avocat avait avancé qu'il souffrait de leucoaraiose, une maladie qui atteint les capacités physiques mais aussi mentales. « Que ce soit à Paris, la Haye ou Arusha, il faudra que la justice se penche un jour sur cette question », nous confiait encore mardi Me Boré, l'un des avocats de Félicien Kabuga.
Du côté des associations de rescapés, c'est bien sûr la satisfation. Egide Nkuranga est le vice-président d'Ibuka qui représente les rescapés du génocide des Tutsis de 1994. Il demande au procureur du Mécanisme pour les tribunaux internationaux de faire vite. Il y a urgence, dit-il, pour que le procès puisse s'ouvrir et aller à son terme en dépit de l'âge de l'accusé.
Les associations de victimes rwndaises souhaiteraient à terme que le procès ait lieu au Rwanda, mais selon le procureur Serge Brammertz, le Mécanisme pour les tribunaux internationaux est la seule juridiction compétente pour juger Félicien Kabuga. À moins, dit-il « que le Conseil de sécurité » de l'ONU en décide autrement.
RFI