En République démocratique du Congo, les mouvements citoyens organisaient des marches dans toutes les grandes villes du pays pour réclamer justice pour les crimes documentés dans le rapport Mapping. Dix ans après la publication de ce rapport, les recommandations sont restés lettres mortes et les crimes impunis. Environ 5 000 personnes ont manifesté, ce jeudi 1er octobre à Bukavu, dans la province du Sud-Kivu, pour réclamer la mise en place d’un tribunal spécial pour la RDC.
Sifflets à la bouche, vuvuzelas, banderoles et même des flambeaux à la main, presque toutes les couches sociales du Sud-Kivu se sont retrouvées place Munzihirwa à Nyawera afin de réclamer justice. C'est sur cette place qu'a été tué, en octobre 1996, l’archevêque de Bukavu, Christophe Munzihirwa lors de l’arrivée de l’AFDL, de l’ancien président Laurent Désiré Kabila, soutenu par les pays voisins de l’Est.
Idesbald Byabuze est l’un des manifestants. Pour lui, trop c’est trop : « Il y a eu, pas un génocide, mais des génocides dans notre pays. Toutes les familles congolaises ont été, d’une manière ou d’une autre, touchées par un crime économique, crime de guerre ou crime contre l’humanité. C’est l’occasion pour tout Congolais de comprendre que le moment est arrivé pour dire non à l’impunité, et nous sommes décidés ! »
Denis Mukwege absent
Les manifestants ont déposé deux mémorandum au gouvernorat du Sud-Kivu, l’un demande au secrétaire général des Nations unies de s'impliquer pour la publication des noms indexés par le rapport Mapping, et l’autre encourage le président Félix Tshisekedi à faire de la RDC un État de droit.
Sifa Noella est une rescapée des viols commis par les FDLR à Shabunda en 2000. Elle s’inquiète : « Nous voulons que les auteurs des violences soient jugés alors qu’ils sont encore en vie. Ils ne seront pas jugés quand ils seront morts ! Parmi nous, les victimes, il y en a qui ne savent plus marcher, d’autres commencent à mourir. Il ne faudrait pas attendre que nous mourrions pour nous rendre justice. »
Malgré sa promesse de participer à cette marche encadrée par la police, le prix Nobel de la paix 2018 le docteur Denis Mukwege était absent. Ses proches ont évoqué des raisons sécuritaires.
L’amnistie qui efface tout…
Le rapport Mapping avait recensé 617 crimes de guerre, crimes contre l’humanité et de possibles crimes de génocide et proposait la création de chambres mixtes de justice. Depuis, rien. C’est l’impunité totale pour les anciens belligérants qui pour la plupart refusent de revenir sur cette période ou de se prononcer, constate notre correspondant à Kinshasa, Kamanda wa Kamanda. Certains tentent de se justifier, mais sans jamais reconnaître les crimes.
Pour Raphaël Ghenda, compagnon de Laurent-Désiré Kabila au sein de l'Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo/Zaïre et porte-parole du tout premier gouvernement AFDL en 1997, il faut que la justice s’intéresse surtout aux rebellions qui se sont opposées au régime AFDL. Il ne reconnaît pas les crimes recensés par le rapport Mapping. « Partout où nous sommes passés, nous ne nous sommes pas livrés à des exactions comme on l’a connu à Makobola, Kassika, Kissangani… Qui en sont les responsables ? D’abord les deux grands mouvements politiques congolais que vous connaissez : MLC et RCD. »
Pour Roger Lumbala, ancien dirigeant du RCD/National, tous ces crimes ont déjà été effacés par l'amnistie de 2014. « Il ne s’agit de revenir encore sur la décision de la justice pour entamer d’autres actions alors que la République démocratique du Congo, en tant que pays souverain, a déjà voté l’amnistie pour permettre ma cohabitation pacifique, la réconciliation nationale. »
RFI