Alors que les deux pays entretenaient de mauvaises relations depuis plusieurs années et qu’une main tendue par le Rwanda avait été sèchement rejetée par le Burundi en août dernier, les ministres des Affaires étrangères des deux pays se sont rencontrés mardi pour « convenir » de la « normalisation » de leurs relations.
Selon le communiqué conjoint dont La Libre Afrique a obtenu copie, la rencontre a eu lieu « à l’initiative du gouvernement du Burundi ». Elle s’est tenue au Rwanda, où le ministre burundais des Affaires étrangères, Albert Shingiro, a été accueilli par son homologue rwandais, Vincent Biruta. La « visite de travail » a eu lieu dans la localité frontalière de Nemba-Gasenyi.
« Cette rencontre entre dans le cadre de la volonté partagée d’évaluer l’état des relations bilatérales entre les deux pays voisins et de convenir sur (sic) les modalités de leur normalisation », indique le communiqué conjoint. Elle précise que le ministre rwandais a accepté une invitation à se rendre au Burundi à une date encore à fixer.
Cette rencontre est une surprise alors que les deux pays entretiennent de mauvaises relations. Chacun reproche à l’autre d’abriter des opposants en armes: le Rwanda, les auteurs du coup d’Etat raté de mai 2015 contre le président burundais Pierre Nkurunziza, qui venait d’imposer sa volonté de se présenter à un troisième mandat interdit par l’Accord de paix d’Arusha, qui avait mis fin à la guerre civile (1993-2005; 300.000 morts); le Burundi, une partie des FDLR, armée formée des ex-miliciens et militaires génocidaires rwandais, qui furent le fer de lance du génocide anti-Tutsis qui fit un million de morts nommément recensés en 1994 .
Plus largement, Kigali n’apprécie guère les discours ethnistes contre les Tutsis que tiennent les autorités burundaises, dans l’espoir de faire l’unité des Hutus en leur faveur, alors que leur mauvaise gouvernance les a privés du large soutien dont elles bénéficiaient à leur arrivée au pouvoir, en 2005. Et Gitega voudrait que le Rwanda, qui abrite des milliers de Burundais ayant fui leur pays en raison des violences depuis 2015, soit aussi complaisant que la Tanzanie, qui n’hésite pas à faire pression sur « ses » réfugiés burundais pour qu’ils rentrent chez eux.
Le président rwandais Paul Kagame avait tendu la main à Gitega en mai dernier, en félicitant chaleureusement le « vainqueur » de la présidentielle burundaise – à l’issue de scrutins irréguliers – le général Evariste Ndayishimiye. Le 10 juillet, M. Kagame avait appelé le Burundi à « tourner la page » mais s’était heurté à une sèche fin de non recevoir de son nouvel homologue burundais: « Nous n’allons pas avoir de bonnes relations avec un pays qui use de malice, un pays hypocrite, qui prétend vouloir renouer de bonnes relations avec le Burundi alors qu’il met en même temps une grosse épine sous notre pied pour qu’on se blesse dessus », avait déclaré publiquement Evariste Ndayishimiye.
La Libre Afrique