Burundi : Justice pour Ernest Manirumva !

Burundi : Justice pour Ernest Manirumva !

Burundi : Justice pour Ernest Manirumva !

By / A la Une / السبت, 10 نيسان/أبريل 2021 16:43


Dans une lettre ouverte au président de la République, Evariste Ndayishimiye, plus de 15 organisations de la société civile, burundaises et internationales, sollicitent son intervention dans le dossier de l’assassinat d’Ernest Manirumva, ancien vice-président de l’Observatoire de Lutte contre la Corruption et les Malversations Economiques (Olucome). Ce dernier a été assassiné le 9 avril 2009 à son domicile sis à Mutanga Sud en Mairie de Bujumbura.    

« Quelques mois avant son assassinat, Ernest Manirumva avait, à plusieurs reprises, été menacé de mort par téléphone ou au moyen de tracts déposés à son bureau. Des menaces avaient également été exercées à l’encontre de membres et employés de l’Olucome, afin que ceux-ci abandonnent certains dossiers, dont ceux concernant le détournement de fonds publics et l’affaire de l’avion présidentiel Falcon 50 », indiquent ces organisations.

Elles citent le rapport de l’Observatoire pour la Protection des Défenseurs des Droits de l’Homme (partenariat OMCT-FIDH) qui cite le rapport final du groupe d’experts des Nations unies sur la République Démocratique du Congo : « Il est établi que durant les mois précédant son assassinat, Ernest Manirumva enquêtait sur un trafic d’armes qui aurait révélé des malversations et des détournements par des hauts gradés au sein de la police nationale. Ses recherches l’ont en effet conduit à constater que de nombreuses armes, commandées et payées par le ministère de la Sécurité publique, ne parvenaient jamais dans les stocks de l’armée et de la police. Selon les informations recueillies par le vice-président de l’OLUCOME, ces armes étaient acheminées à l’Est de la République démocratique du Congo (RDC) où elles étaient remises aux Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), groupe armé pro-hutu en conflit contre les forces armées rwandaises et congolaises. »

D’après ces organisations, cette affirmation est soutenue par le constat qu’un dossier de classement vide, maculé de sang, a été trouvé sur le lit d’Ernest Manirumva, ainsi que des traces d'effraction dans un bureau où il travaillait comme consultant au ministère de l'Agriculture. « Ces constats, ajoutés au fait que rien d’autre n’ait été volé, laissent penser que les meurtriers étaient à la recherche de documents sensibles appartenant au défunt. »

Des hauts gradés de la police soupçonnés

Après l’assassinat de Manirumva, la police a ouvert une enquête et trois commissions d’enquête constituées de Burundais ont été mises sur pied. Le rapport de la 3ème commission d’enquête a recommandé au procureur général : d’auditionner Gabriel Nduwayo alias Sésé qui, au moment des faits, était agent de la Société de gestion des stations de lavage de café - Sogestal Kirundo-Muyinga; d’auditionner et confronter David Nikiza et Albert Bisaganya (commissaire et commissaire adjoint chargés de la police de sécurité intérieure au moment de la commission du crime) et Godefroid Barampanze, (commissaire municipal de la police en Mairie de Bujumbura au moment des faits).

Selon la commission, cela « pourrait permettre de déterminer la responsabilité de chacun au regard de leurs déclarations contradictoires. »

La 3ème commission avait recommandé également l’obtention de certains relevés téléphoniques du commissaire de police David Nikiza et du Général Adolphe Nshimirimana.  

A l’époque, le président de la République de l’époque, feu Pierre Nkurunziza, avait déclaré qu’en cas de besoin, la justice burundaise ferait appel à l’appui des partenaires étrangers afin de mener des investigations professionnelles et de retrouver les criminels. C’est dans ce cadre que des experts du Federal Bureau of Investigation (FBI) ont enquêté sur cet assassinat. « Au cours des enquêtes qu’ils ont menées, les experts du FBI ont procédé à des prélèvements ADN sur l’arme du crime et dans le minibus blanc de marque Hiace dans lequel la dépouille d’Ernest Manirumva avait été déplacée la nuit du crime. Ces prélèvements ne correspondent à aucune des personnes qui avaient été arrêtées par la police. »

Lesdits experts avaient alors recommandé aux autorités burundaises d’interroger et de prélever des échantillons ADN sur plusieurs hauts gradés de la police : Général Adolphe Nshimirimana, Général Gervais Ndirakobuca alias Ndakugarika, Colonel David Nikiza, Major Désiré Uwamahoro, Capitaine Pacifique Ndikuriyo, Commissaire municipal adjoint Nininahazwe, Adjudant Major Nkundimana, Officier de police Jean-Marie Niyonzima, Officier de police Nzisabira ( agent de transmission du commissaire David Nikiza et tous les membres de l’unité de police dirigée par Gervais Ndirakobuca.

« Aucune des recommandations n’a été suivie, qu’elles aient été émises par la 3ème commission d’enquête ou par le FBI. Cela n’a pas empêché la tenue d’un simulacre de procès, dénoncé par les avocats de la partie civile et une des parties condamnées. »

Et la justice se bouche les oreilles

En 2013, d’après ces organisations, un pourvoi en cassation avait été introduit à la Cour suprême par l’Olucome contre l’arrêt 402 rendu par la cour d’appel de Bujumbura le 22 mai 2012. Depuis cette date, l’affaire a été fixée à deux reprises en audience publique par la chambre de cassation de la Cour Suprême, et l’ensemble des audiences ont été remises à des dates ultérieures. La dernière audience, fixée au 4 septembre 2014, a été remise sine die jusqu’à ce jour.

L'Olucome a déjà adressé quatre correspondances au président de la Cour Suprême pour rappeler le dossier sans obtenir de réponse. En janvier 2020, cette organisation a encore une fois sollicité la fixation de cette affaire devant la Cour de cassation mais en vain.

« L’incapacité de l’appareil judiciaire à enquêter objectivement aux fins de poursuivre les auteurs du crime a abouti à une parodie judiciaire, traduite par la désignation d’un coupable en la personne de M. Hilaire Ndayizamba. Ce dernier croupit en prison depuis le début de l’enquête mais ne sert probablement que de bouc émissaire pour un crime commandité et exécuté par d’autres personnes. Le refus émis par certaines autorités de poursuivre le traitement médical du détenu risque par ailleurs d’aggraver sa santé déjà fragile et précarisée par les conditions de détention actuelles. »

Sur ce, le président Evariste Ndayishimiye est exhorté à soutenir une enquête indépendante qui va aboutir à un procès équitable contre toute personne soupçonnée de responsabilité pénale dans l’assassinat de feu Ernest Manirumva, y compris ceux qui auraient ordonné, sollicité ou encouragé la commission de ce crime. Ces organisations lui demandent également de mettre fin à l’impunité des crimes commis au Burundi par la promotion de l’indépendance de la justice et la revue du cadre légal pour accorder à la justice les compétences de juger tous les présumés coupables. De plus, elles exhortent le président à mettre en place, en concertation avec la société civile et les autres parties prenantes, un mécanisme national de protection des défenseurs des droits humains pour garantir leur sécurité et les encourager à appuyer les institutions de l’Etat dans la promotion de l’état de droit.

Steve Baragafise |pam Bujumbura 

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