L'historien français Vincent Duclert a remis au Président rwandais Paul Kagame le rapport préparé par «la Commission de recherche sur les archives françaises relatives au Rwanda et au génocide des Tutsi (1990-1994)».
«Le Président Kagame a reçu l’historien français Vincent Duclert, qui a présenté le rapport intitulé « La France, le Rwanda et le génocide contre les Tutsi ». Le rapport a été commandé par le Président Emmanuel Macron il y a deux ans et a été réalisé par une équipe de 13 chercheurs et historiens », indique un tweet de la présidence rwandaise.
Vincent Duclert a rencontré le Chef de l’Etat rwandais hier en pleine commémoration du génocide. L’occasion pour l’universitaire français de communiquer officiellement au Président Kagame le rapport réalisé par la commission qu’il a présidée depuis avril 2019.
Dans son discours du 7 Avril, premier jour de cent jours des commémorations du génocide qui ont lieu chaque année, le Chef de l’Etat rwandais a salué un “changement” qui “montre un désir même chez les dirigeants en France d’avancer avec une bonne compréhension de ce qu’il s’est passé.”
“L’important est de continuer à travailler ensemble à documenter la vérité. C’est la vérité”, a-t-il poursuivi. “Le Rwanda aura aussi son mot à dire dans un avenir proche, peut-être lors de la troisième semaine de ce mois”, a-t-il indiqué, en référence à un rapport sur le sujet mené par une commission rwandaise, commandé en 2017. “Les conclusions (de ce rapport) vont dans la même direction”
Ce volumineux rapport a été remis le 26 Mars dernier au Président français Emmanuel Macron qui a salué «le remarquable travail scientifique» accompli par la Commission coordonnée par le Professeur Vincent Duclert à sa demande. Selon le rapport, les autorités françaises de l’époque portent “des responsabilités lourdes et accablantes” dans la dérive ayant abouti au Génocide des Tutsi en 1994. Les responsabilités sont avant tout “politiques”, avec un “aveuglement” face au “régime raciste, corrompu et violent” du Président hutu Juvénal Habyarimana et ce malgré des “alertes”.
Les responsabilités sont également “intellectuelles”, avec selon le texte une “obstination” à défendre une lecture ethnique du conflit rwandais dans les années précédant le génocide. Est pointée l’incapacité des décideurs à penser le génocide et à le distinguer des massacres de masse, notamment. L’action de la France au Rwanda à cette époque est ainsi présentée comme une “faillite”. Selon le rapport, “rien ne vient démontrer” toutefois qu’elle s’est rendue “complice”
Après avoir reçu le rapport, le Chef de l’Etat français a «encouragé la poursuite du travail de connaissance et de mémoire sur le génocide des Tutsi ». Dans la foulée, la France a annoncé l’ouverture d’importantes archives sur le rôle de la France au Rwanda, dont celles de l’ancien président socialiste François Mitterrand et celles de son Premier ministre de l’époque Edouard Balladur (droite), pour faire avancer la “vérité historique” sur le génocide de 1994. Cette ouverture était attendue depuis des années et marque un pas supplémentaire dans la politique mémorielle du président Emmanuel Macron.
La France où ont trouvé refuge nombre de génocidaires présumés s’engage aussi à les traduire en justice. La France «poursuivra ses efforts en matière de lutte contre l’impunité des personnes responsables de crimes de génocide », indique un communiqué la présidence française. Si un certain nombre de génocidaires ont été condamnés au Rwanda, par le Tribunal pénal international pour le Rwanda (TPIR), et à l’étranger, beaucoup continuent d’échapper à la justice. Le Rwanda a ainsi adressé au moins 48 demandes d’extradition à la France, premier pays européen avant la Belgique (40 demandes).
Le Président français a également souligné que ce rapport sera partagé avec les autorités rwandaises, à travers sa publicité, et à l’ensemble du peuple rwandais dont la France salue la dignité et la capacité de réconciliation.
«Nous espérons que ce rapport pourra mener à d’autres développements dans notre relation avec le Rwanda» et que, «cette fois, la démarche de rapprochement pourra être engagée de manière irréversible», a réagi la présidence française.
Dans ce cadre, le retour d’un Ambassadeur de France à Kigali «dans les prochains mois » serait « un pas supplémentaire» vers une normalisation, a-t-elle précisé. Même si la France a rouvert une Ambassade à Kigali, le poste d’Ambassadeur est vacant depuis 2015.
Emmanuel Macron s’exprimera «le moment venu» sur les enseignements qu’il tire du rapport, a indiqué la présidence. Emmanuel Macron a prévu d’effectuer une visite officielle à Kigali entre avril et mai, pendant la période hautement symbolique de la commémoration du génocide des Tutsi au Rwanda.
La commission d’historiens dirigée par Vincent Duclert a été mise en place en 2019 par Emmanuel Macron pour faire la lumière sur le rôle de Paris, en lui offrant l’accès à l’ensemble des archives françaises, dont certaines n’avaient pas été ouvertes à la consultation. La commission Duclert a conclu à « un ensemble de responsabilités, lourdes et accablantes », au sein de l’Etat français. Mais ce rapport écarte l’idée d’une complicité de génocide.
Depuis son arrivée au pouvoir en Mai 2017, le président français a entamé un rapprochement diplomatique avec son homologue rwandais Paul Kagame. Un dégel amorcé après plusieurs années de tensions à cause d’un litige sur le génocide. Le Rwanda accuse la France d’avoir soutenu activement le régime génocidaire avant, pendant et après le génocide des Tutsi du Rwanda en 1994 qui fut le plus rapide et le plus atroce de l’histoire.
Agence Rwandaise d'Information