« Petit pays » de Gaël Faye: passage délicat de l’écrit à l’écran

« Petit pays » de Gaël Faye: passage délicat de l’écrit à l’écran

« Petit pays » de Gaël Faye: passage délicat de l’écrit à l’écran

By / CULTURE ET SOCIETE / الأحد, 30 آب/أغسطس 2020 00:00


 

Sacré Prix Goncourt des Lycéens, le roman du musicien et chanteur Gaël Faye a fait beaucoup de bruit à sa sortie, en 2016. Traduit en Kinyarwanda en 2018, le livre a permis à toute une partie de la population de la région des Grands Lacs de mettre des mots sur leurs fantômes et leurs plaies. La transposition de son récit en film s’annonçait délicate. La poésie de son texte se révélant, par définition, insaisissable. Critique du film sorti en salles en Belgique et en France ce vendredi 28/08

Gabriel et ses potes vivent en toute insouciance leur petite vie de cancres dans le décor luxuriant d’un quartier aisé de Bujumbura, au Burundi. Ce petit pays d’Afrique centrale, voisin du Rwanda et du Congo, s’apprête à vivre un tournant majeur de son histoire: les premières élections démocratiques depuis son accession à l’indépendance en 1962. Mais, à la suite du coup d’État, perpétré le 21 octobre 1993, contre le président nouvellement élu, Melchior Ndadaye, la guerre civile embrase le « petit pays ».

Les images d’une enfance heureuse, passée à voler des mangues et à courir entre les bougainvilliers, laissent alors place aux crispations et violences ethniques. Une situation à laquelle Gabriel et sa sœur Ana ne prêtent qu’une attention distraite, en raison des tensions de plus en plus présentes entre leurs parents. L’annonce de premiers troubles au Rwanda voisin, pays dont est originaire leur maman, divise la famille : tandis que leur oncle maternel s’engage, d’autres veulent croire au possible retour à la normale…

La petite voix singulière du roman de Gaël Faye

La grande force du film est sa capacité à montrer à quel point les destins du Rwanda et du Burundi sont étroitement liés avec des familles entières partagées entre les deux pays. Le film a d’ailleurs été tourné au Rwanda en raison de la situation instable au Burundi.

Le chanteur-écrivain Gaël Faye a suivi au plus près l’adaptation de cette fiction presque autobiographique dans laquelle il retrace son propre destin. Le réalisateur Eric Barbier avait déjà signé une adaptation de roman avec La Promesse de l’aube tirée, en 2017, de l’œuvre de Romain Gary. Le réalisateur et scénariste a également des accointances avec l’Histoire puisque son premier long métrage Le Brasier était une fresque historique sur l’univers des mineurs dans la France des années 30, film pour lequel il a reçu le prix Jean Vigo.

Malheureusement, la première partie du film peine à rendre grâce à la petite voix intérieure qui fait la richesse et la beauté du livre de Gaël Faye. Sacré prix Goncourt des Lycéens en 2016, le récit de son enfance saccagée avait su toucher par la poésie et la justesse des mots, par la force de son témoignage. Or certains choix de réalisation manquent de rondeur dans quelques premières scènes-clé (celles du vol du vélo) alors que toute l’ouverture du roman parle avec chaleur, tendresse et nostalgie d’une population et d’une enfance massacrées. Le spectateur se sent parfois tenu à distance des émotions et sentiments qui traversent la vie de cette famille, déjà en équilibre précaire lorsque le pays est pris, soudain, dans d’immenses soubresauts.

Le long métrage gagne en intensité et en profondeur dans sa deuxième partie, grâce à ses choix de mise en scène, même si ses comédiens ne se révèlent pas tous à la hauteur de l’enjeu. Jean-Paul Rouve se fait discret dans le rôle du père du petit Gabriel (Djibril Vancoppenolle). Tandis que l’actrice Isabelle Kabano brille dans celui d’Yvonne, Rwandaise réfugiée au Burundi, mère absente, puis douloureusement présente.

Karin Tshidimba

Petit Pays** Récit de vie Scénario & réalisation Eric Barbier (d’après le roman de Gaël Faye) Musique Renaud Barbier Avec Jean-Paul Rouve, Djibril Vancoppenolle, Isabelle Kabano Durée 1h51.

La libre Afrique

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