Dans son dernier rapport intitulé « Rapport sur le Monitoring des Violations des Droits des prisonniers » qui couvre la période du mois de février et mars 2021, ACAT- BURUNDI dénonce les traitements inhumains et dégradants constitutifs d’actes de torture dont sont victimes les prisonniers en général et les prisonniers politiques en particulier. Elle fustige également la lenteur dans le traitement des dossiers, la surpopulation carcérale et la problématique liée aux soins de santé des détenus.
« Le constat est que les détenus poursuivis pour des crimes à caractère politique continuent d’être ciblés. Leurs dossiers sont traités avec une lenteur démesurée et avec mauvaise foi », souligne ACAT- BURUNDI. « Les responsables des établissements pénitentiaires semblent jouer la carte de la complicité en assistant en spectateurs indifférents aux mauvais traitements infligés aux personnes détenues opérés par les jeunes Imbonerakure qui se cachent derrière le comité de sécurité en violation de la loi et du règlement qui régissent les établissements pénitentiaires au Burundi. »
Selon ACAT- BURUNDI, toutes les violations documentées au cours de la période concernée ont été constatées dans la prison centrale de Mpimba. « Les prisonniers fidèles au parti présidentiel qui opèrent avec la complicité des autorités pénitentiaires sont pointés du doigt par leurs pairs comme étant les auteurs de cette maltraitance. Les auteurs de ces exactions surtout dans la prison de Mpimba sont mis en place par la direction de cette prison pour faire partie du comité de sécurité. » A côte des actes de maltraitance physique, poursuit ACAT- BURUNDI, ces détenus regroupés en ce qu’ils ont appelés « comité de sécurité » organisent des fouilles dans les cellules surtout en ciblant les détenus politiques pour les dépouiller de leurs téléphones et profitent de ces moments pour commettre des vols.
Cas Fabien Banciryanino et autres cas
D’après ACAT- BURUNDI, l’Honorable Fabien Banciryanino détenu à la prison centrale de Mpimba a été mis, le 29 mars 2021, dans une chambre correctionnelle par le chef du comité de sécurité prénommé Christophe sur ordre du directeur de la prison où il a passé trois jours. « Le mobile de cette maltraitance était de le punir suite à une lettre qu’il a écrit à l’intention du directeur de la prison, OPC1 Ildefonse BIVAHAGUMYE en réservant des copies à la Commission Nationale Indépendante des Droits de l’Homme (CNIDH) et à la Direction Générale des Affaires Pénitentiaires à travers laquelle il a dénoncé les violations des droits des prisonniers et le banditisme orchestré par les membres du comité de sécurité et les représentants des prisonniers (capitas). »
ACAT- BURUNDI évoque un cas d’un certain Jean Paul détenu à la Prison de Mpimba qui a été mis en isolement durant le mois de février 2021 sur les ordres du directeur de la prison l’accusant d’avoir conseillé à un détenu de s’évader. Le directeur a conditionné sa relaxation à un retour à la prison du détenu évadé. Quant à Aimé Nimubona, détenu à la Prison de Mpimba, il a été interpellé, le 21 mars 2021, par la police pénitentiaire qui l‘accusait de tentative d’évasion. « Après avoir appris cette information, le directeur de la Prison de Mpimba a ordonné aux détenus regroupés dans qu’ils ont nommé comité de sécurité de le corriger. Il a été sérieusement tabassé jusqu’à ce qu’il perde l’équilibre. Le lendemain il ne pouvait plus se tenir debout. »
Non-respect des décisions judiciaires et surpopulation carcérale
Selon cette organisation de défense des droits de l’Homme, il s’observe toujours dans différents établissements pénitentiaires, surtout les prisons de Mpimba et Muramvya, des détenus qui ont purgé leurs peines et d’autres qui sont acquittés par les cours et tribunaux mais qui restent détenus arbitrairement.
ACAT- BURUNDI s’insurge contre un effectif élevé des prisonniers que le Burundi n’a jamais connu. « Cet effectif dépasse très largement la capacité d’accueil des prisons si l’on se réfère au nombre de détenus qu’elles étaient destinées d’accueillir lors leurs constructions. » Pour cette organisation, cela s’explique par l’abus de la compétence d’arrestation par les magistrats, la lenteur dans le traitement des dossiers judiciaires des prévenus et le fait que même certains qui ont été jugés et qui ont purgés leurs peines ou acquittés croupissent encore en prison. « A cela s’ajoute le fait que les juges ne privilégient pas d’autres peines comme la condamnation aux travaux d’intérêt général prévu à l’article 53 du Code pénal burundais, ils recourent aux peines privatives de liberté. »
D’après ACAT- BURUNDI, l’effectif total des détenus au niveau national, à la fin du mois de mars 2021, était de 13.591 prisonniers alors que la capacité d’accueil de toutes les prisons est de 4.194 prisonniers. « Parmi eux, 5424 sont des prévenus tandis que les condamnés sont comptés à 8.106 prisonniers. La Prison de Mpimba à elle seule compte 5026 prisonniers, soit plus de la capacité d’accueil des prisons au niveau national. »
ACAT- BURUNDI fait également savoir qu’il s’observe un manque criant de denrées alimentaires. « Quelques fois, les prisonniers sont condamnés de passer toute une journée sans manger ou de ne manger qu’une seule sorte de nourriture. Normalement, chaque détenu a droit à 350g de farine de manioc et 350g de haricot par jour. »
Selon cette organisation, les prisons connaissent également un manque criant des médicaments pour soigner les prisonniers qui sont dans un besoin imminent et à cela s’ajoute le refus à certains détenus poursuivis pour des infractions à caractère politique à l’accès aux soins en dehors des établissements pénitentiaires. « Les raisons avancées sont liées au manque de policiers pour leur accompagner. Les prisons où ce problème a été documenté sont : la prison de Muramvya et la prison Rutana. »
ACAT- BURUNDI demande au gouvernement du Burundi d’améliorer les conditions carcérales en prenant les mesures de désengorgement des prisons et de prendre des mesures administratives et traduire en justice les auteurs des violations des droits de l’homme en général et ceux des détenus en particulier. Elle exhorte les autorités burundaises à sensibiliser les magistrats pour donner priorité aux dossiers des prisonniers et privilégier d’autres peines autres que celles privatives de liberté et de respecter les droits reconnus par les textes nationaux et internationaux pour la protection des personnes privées de liberté.
Signalons que c’est à partir de ce lundi 26 avril 2021 que les 5255 prisonniers qui ont bénéficié de la grâce présidentielle vont commencer à être libérés.
Steve Baragafise |pam Bujumbura