Le Président Evariste Ndayishimiye exige une enquête urgente. En cause, une somme colossale de 54 milliards disparus. Cette somme était destinée à la construction du barrage MPANDA. Ce projet était assuré par le Gouvernement du Burundi et exécuté par le consortium d’entreprises chinoises CNME/CGC
C'est une mésaventure dont se serait bien passée l’ancien ministre Côme Manirakiza. La construction du barrage qui avait démarré en 2011 affiche jusqu’ici des résultats en berne. Pour cause, depuis l, an 2017, aucune activité n’a pu être conduite, le projet étant complètement à l’arrêt. Ce vendredi 8 Octobre 2021, Evariste Ndayishimiye a effectué une visite sur terrain à la frontière commune des provinces Muramvya, Kayanza et Bubanza où le consortium d’entreprises CNME/CGC effectuait les travaux de construction de ce mini barrage. Après avoir constaté les faits, il est complètement tombé des nus. Les bâtiments de service construits s’effondrent déjà alors que les fonds équivalents à 60% du projet avaient été décaissés.
« Je ne comprends pas comment les choses peuvent arriver à ce stade. Je suis sidéré. Un projet qui n’a pas pu être exécuté dans les délais, des bâtiments de services construits sur un terrain glissant et détruits d’eux-mêmes, tout cela devait servir de leçon aux leaders » déplore le Président Ndayishmiye.
« Ça se voit aisément que cette somme d’argent a été volée. On ne peut que penser à ceux qui étaient en charge de ce projet. Nous n’allons ni abandonner le projet ni la somme empochée par un groupe de gens. Je recommande au Ministre de l’énergie et des mines de me transmettre le rapport endéans deux semaines. Il faut que ce rapport détaille les pertes encaissées et montre les responsabilités qui incombent à chacun des intervenants du projet » martèle Evariste Ndayishimiye et promet que les activités de reconstruction vont bientôt reprendre pour s’achever dans un délai de trois ans.
Controverse autour des responsabilités
Théoriquement, le projet de construction du barrage était du ressort du Ministère de l’Energie et des Mines jusqu’alors dirigé par Côme Manirakiza très estimé par des grands ténors du système. La fin des travaux était prévue en 2015 prévoyant une valeur ajoutée de 30% d’énergie. Ce barrage allait avoir une capacité de 10,4 Mégawatts. Le projet de construction de ce barrage rentrait dans la logique d’augmenter la production énergétique du pays qui ne dispose que 45 Mégawatts avec un réseau vieux qui procède par des raccordements et extensions ; les récents efforts fournis pour permettre la production de l’énergie datant de 1989. Le gros de financements du projet provenaient du budget national. Le consortium d’entreprises CNME/CGC bénéficiait déjà, selon les données de l’Office burundais des recettes le Quitus fiscal pour l’exercice 2018/2019.
Qu’’est ce qui peut justifier cette situation alors que cet ancien ministre avait annoncé sur les ondes des radios locales que les travaux vont bon train ?
« Les travaux avancent correctement et sont vraiment appréciables. Nous apprécions la manière dont les travaux avancent et je profite de cette occasion pour remercier tous les partenaires qui sont sur ce chantier que ça soit nos partenaires ; l’entreprise qui fait les travaux et la cellule du Ministère qui suit les travaux ainsi que toute la population. Nous l’appelons à comprendre l’environnement dans lequel elle travaille. Nous promettons à l’entreprise de tout faire pour être régulier dans le paiement », assure Côme Manirakiza. Ainsi, l’on remarque ; dans cette interview que les responsabilités peuvent être établies au niveau de la cellule de suivi du ministère ; du consortium d’entreprises CNME/CGC et du Ministre ayant l’Energie et Mines dans ses attributions qui affirmait jadis « passer 90% de son temps à penser aux solutions alternatives au déficit énergétique du pays ». A ce niveau, dans le secteur public, la loi burundaise en matière de lutte contre la corruption stipule que la responsabilité est individuelle.
Le coup de force ou simple discours ?
Il est légitime de s’interroger sur la gestion de cette énième affaire évoquée par Evariste Ndayishimiye tant qu’il affiche une attitude contradictoire entre le discours et les faits sur terrain. Il n’y a pas de cela deux mois que le Président lui-même a suspendu de ses fonctions le Directeur Général de l’Office des Transports en Commun Albert Maniratunga traité d’escroc par le Chef de l’Etat Technologies suite aux manquements observés dans la délivrance des documents relatifs aux contrôles techniques et de l’Entreprise Global Smart Technologies pour le non-respect du contrat en vigueur. Pas plus d’un mois après sa suspension, Albert Maniratunga a été nommé Directeur des Transports au Ministère du commerce, du transport, de l’Industrie et du tourisme ; des responsabilités plus importantes que les premières.
Selon un observateur contacté par la rédaction, « le Président affiche certes une volonté mais cela ne vas pas au-delà du discours pour deux raisons. En amont, il veut montrer à la communauté internationale que son gouvernement veut corriger les tares existantes en matière de corruption dans le pays. Il a un discours politique qui manifeste un seuil de tolérance zéro en matière de corruption. En aval, les faits sont différents du discours. Plusieurs raisons corroborent mes propos, la démission du Ministre du Commerce sur l’affaire de vente de l’avion présidentielle et dont on n’a jamais été informé l’issue, la suspension des contrats miniers dont on a jamais été informé les tenants et les aboutissants, etc. Pour moi, c’est du buzz car il touche sur des affaires moins importantes, les plus grandes n’étant jamais communiquées. »
En 2021, le Burundi est classé parmi les dix pays les plus corrompus selon Amnesty International. L’Olucome estime que cette situation est la conséquence de la consécration de l’impunité au pays malgré la belle image de lutte contre la corruption véhiculée par Evariste Ndayishimiye.
Steve Baragafise |Phare Africa Bujumbura