Invité du mois au journal "Œil d’humanité": DR Nduwayo Léonard

Invité du mois au journal "Œil d’humanité": DR Nduwayo Léonard

Invité du mois au journal "Œil d’humanité": DR Nduwayo Léonard

/ Les Carnets de voyage / الأربعاء, 11 تشرين2/نوفمبر 2020 14:38


Propos recueillis par Jean Paul HABIMANA

DR Nduwayo Léonard, soyez les bienvenus dans notre rédaction du journal Œil d’humanité


Bonjour, Votre présentation ?

Médecin, votre association et écrivain

Je m’appelle Léonard Nduwayo

Je suis docteur en médecine, lauréat de la faculté de médecine de l’Université nationale du Rwanda (UNR). J’ai une spécialisation en Endocrinologie et métabolismes, obtenue à l’Université de Tours (France) et un diplôme universitaire en Génie biologique et médical, obtenu à l’Université Paris VI (France).

Je suis Président de l’Association Franco-africaine pour la Recherche et l’Innovation Médicale (AFRIMED), fondée en 1998.

J’ai publié plusieurs livres et plusieurs articles spécialisés:

L’Université Nationale du Rwanda cinquantenaire, 1963-2013. De l’Institut Saint Jean à NUR.

Editions Sources du Nil (Lille), mai 2013.


Pouvez –vous nous expliquer votre expérience dans chaque activité que vous exercez ?

A° Médecin ?

Je suis Praticien Hospitalier temps plein et Chef du service d’Endocrinologie, Diabétologie, Nutrition, au Centre Hospitalier Geneviève de Gaulle Anthonioz, à Saint Dizier, dans le département de la Haute Marne (52).

Activités :

Consultations spécialisées

Suivi des patients hospitalisés dans mon service

Enseignement à l’Institut de Formation en Soins Infirmiers de Saint Dizier


B° En quoi consiste votre association ?

Contribuer au développement de la recherche biomédicale, et à la promotion des nouvelles technologies en Afrique.

Créer un lien de solidarité et un cadre d’échanges entre médecins, chercheurs et autres scientifiques œuvrant en Afrique et dans la diaspora africaine.

C° Vous dites que vous êtes écrivain. Il est rare de trouver un médecin en même tant écrivain. Selon vous, d’où vient votre inspiration ?

Mon inspiration vient de ma formation à l’école secondaire, au Collège Saint André de Kigali au Rwanda. J’ai eu une culture à la fois littéraire et scientifique.

J’ai fait 6 ans de Latin. De la 6è à la 4è, c’était la section Latin-Math ; de la 3è à la 1ère, c’était la section Latin-sciences. Dans la culture latine, j’ai appris les grands écrivains de l’époque de l’empire romain, Cicéron, Virgile, Tite Live, et bien d’autres. J’ai appris les grands discours de Jules César. Les deux premières phrases que j’ai apprises en Latin en 6è, c’est : Ciuis romanus sum (je suis citoyen romain), et Homo lupus homini (l’homme et le loup pour l’homme).

J’ai appris également en seconde la littérature française, les grands écrivains français, comme Lamartine, Chateaubriand, Ronsard, Rabelais, Barzac, Victor Hugo, Molière.


Selon vous, pouvez-vous nous définir la médecine traditionnelle utilisée longtemps en Afrique ? (les exemples à l’appui par exemple les contraceptions chez les égyptiens) ?

La médecine traditionnelle, appelée également médecine douce, ou encore phytothérapie, est aussi vieille que le monde. L’être humain a toujours cherché dans son environnement des remèdes pour soigner ses souffrances.

Les Egyptiens se soignaient avec des plantes médicinales. Ils ont inventé la contraception orale à base de graines de grenadine réduites en poudre; le préservatif composé de lin coloré et trempé dans de l’huile d’olive ou à base de membranes intestinales de moutons ; les spermicides à base de bouse de crocodile ou d’épines d’acacias finement broyées, mélangées à des dattes et du miel et étendues sur un tampon de fibre.

Ils ont même inventé le premier test de grossesse naturel qui permettait en plus de déterminer le sexe de l’enfant. Les femmes humectaient chaque jour un échantillon d’orge et d’amidonnier avec leur urine. Si l’orge poussait, cela signifiait que l’enfant serait un garçon. Et si l’amidonnier poussait, ce serait une fille. Si aucun des deux ne poussait, cela voulait dire que la femme n’était pas enceinte.

Chaque pays africain avait ses propres recettes. Au Rwanda, le Phytolacca Dodecandra (umuhoko) était utilisé comment un puissant abortif. Les filles enceintes buvaient le jus issu des feuilles écrasées de cet arbuste. Le produit était tellement toxique qu’il pouvait entraîner la mort de la patiente. L’Iboza Riparia (umuravumba) était utilisé pour soigner de nombreuses maladies

(toux, bronchite, gastrite, diarrhée, angine de poitrine, fièvre, malaria, fièvre jaune, dengue, céphalées, douleurs dentaires). Madame Céline Uwera, Chimiste rwandaise et ancien professeur à l’UNR, a isolé un principe actif antimicrobien dans cette plante médicinale qu’elle a appelé « umuravumboïde ».


Avez-vous été soigné par cette médecine traditionnelle (votre expérience personnelle sur la médecine traditionnelle, s’il y a eu lieu, lorsque vous étiez en Afrique) ?

Ma mère me soignait des angines par une plante médicinale. Elle soignait également des maladies oculaires. Mon père soignait des abcès et le rhumatisme.


Si oui, croyez-vous cette médecine traditionnelle ? Expliquez ?

Oui je crois à la médecine traditionnelle. Mais il faut qu’elle soit pratiquée de façon organisée et transparente. Les guérisseurs n’aiment pas dévoiler leur recette.


Comment comparez-vous cette médecine traditionnelle qui s’est développée dans les pays du sud et la médecine moderne inventée par les occidentaux?

La médecine moderne s’est inspirée de la médecine traditionnelle pratiquée par les Egyptiens puis par les Grecs.


En tant que médecin évolué et ayant travaillé dans les pays africains et en Europe, qu’en pensez-vous par rapport à la médecine traditionnelle et la médecine moderne. Y-a-t-il moyen de développer la médicine traditionnelle afin que celle-ci puisse compléter la médecine chimique ?

En Afrique il y a beaucoup de plantes qui ont des propriétés médicinales. Il faut que les plantes et les techniques utilisées en médecine traditionnelle soient répertoriées, étudiées et valorisées scientifiquement. La médecine traditionnelle peut être complémentaire à la médecine moderne. On vient récemment de découvrir en Afrique une plante qui a un principe actif d’un antalgique connu et commercialisé partout dans le monde, le Tramadol. Mais aucune firme pharmaceutique ne s’est intéressée à cette découverte pour la valoriser sur le plan industriel.



D’après votre expérience clinique, pourquoi y a-t-il tant des maladies destinées pour les africains qu’on ne trouve pas chez les occidentaux et vice-versa? Comment pouvez-nous expliquer ce phénomène inexplicable ?

Il y a des maladies dites tropicales, qui ne se développent que dans les pays à climat tropical comme en Afrique. C’est le cas du paludisme (malaria). Le microbe responsable de cette maladie ne peut pas survivre dans les pays froids. Il y a quelques rares cas de malaria dit « d’aéroport » causés par les insectes apportés dans les valises ou qui se sont cachés dans les avions. Il y a également des maladies liées à la pauvreté qu’on ne voit pas dans les pays riches.

Dans les pays développés, on rencontre beaucoup de cas de cancer, d’hypertension artérielle, de diabète, de maladies cardiaques et vasculaires, qu’on voit moins dans les pays en voie de développement à cause d’un mode de vie différent.


Parmi tant de maladies qui ravagent le continent africain, l’on peut énumérer le SIDA et la Tuberculose. Pourquoi ? Où en est actuellement le vaccin et les médicaments pour lutter contre le VIH/ SIDA ?

Le SIDA fait des ravages effectivement car l’usage du préservatif reste tabou en Afrique. Mais dans certains pays comme le Rwanda et le Botswana, la progression du VIH a baissé grâce à des politiques de sensibilisation et de prévention efficaces.

La tuberculose sévit également en Afrique surtout dans les zones où il y a un taux de prévalence élevée de SIDA en tant qu’infection opportuniste. La précarité favorise aussi ce type de pathologie.

En ce qui concerne les médicaments contre le VIH/SIDA, les antirétroviraux sont efficaces. Ils ralentissent la progression de la maladie et diminuent la contamination mère-enfant. Leur arrivée sur le marché en 1996 a révolutionné le traitement du SIDA. Ils sont actuellement administrés sous forme de trithérapie voire de multithérapie et sont très efficace. Le problème c’est leur coût encore trop élevé pour les pays en voie de développement où il n’y a pas de sécurité sociale. Dans les pays développés, le traitement est pris en charge à 100 % par la sécurité sociale.

Quant au vaccin contre le SIDA, les travaux sont en cours en France et aux Etats-Unis d’Amérique. Rien de concluant pour le moment.


Un ami de Kenya m’a déclaré qu’il existe chez eux un tribun qui ne peut jamais contaminer le VIH/ SIDA. Si oui, pouvez-vous nous expliquer ce phénomène médical ?

J’ai entendu parler d’une histoire de prostituées kényanes qui seraient résistantes au VIH. Je n’ai pas vu l’étude ni comment elle a été menée. Il faut se méfier de ce type de déclarations. En ce qui

concerne une tribu qui ne pourrait jamais être contaminée par le virus du SIDA, je pense que c’est du pur fantasme.


Pouvez-vous nous parler des avantages et des désavantages des médecines traditionnelles en Afrique ?

Avantages : Accès facile, peu couteuse.

Désavantages : Pas d’encadrement médical et sanitaire, produits souvent impurs donc potentiellement dangereux pour l’organisme, principe actif douteux.


Nous voyons souvent à Paris les communiqués des guérisseurs ou marabouts africains pour soigner les malades. Croyez-vous à ce type de médecine sophistiquée ?

Non. C’est de la sorcellerie, du charlatanisme, voire du fétichisme. Ça n’a rien à avoir avec la médecine traditionnelle que certains pays africains essaient de réglementer pour la moderniser.


Avez-vous quelque chose à ajouter sur cet entretien ?
 (S’il y a une question importante que je n’ai pas suscitée pose-la et essaie de répondre)

Les étudiants africains en Chimie et Biologie devraient travailler dans leurs mémoires d’études ou thèses de doctorat, sur l’isolement des principes actifs des plantes utilisées en médecine traditionnelle en Afrique.

Les industries pharmaceutiques devraient investir dans la recherche en médecine traditionnelle mais il faut que les tradi-praticiens sortent du bois et soient transparents dans leur pratique.

Les intellectuels et chercheurs africains devraient explorer, préserver et valoriser ce savoir-faire qu’est la médecine traditionnelle en Afrique. La recette de grand-mère, qui ne l’a pas connue!

Votre message (sur votre écriture, votre association et sur votre métier : choisissez le message le plus important pour offrir au public etc )

Il faut que les intellectuels africains lisent mon livre sur l’Université Nationale du Rwanda (UNR), car je parle de la problématique des universités africaines en général. La plupart ont 50 ans comme l’UNR car elles ont été créées au lendemain des indépendances des pays africains.

Notre Association, AFRIMED, aide les médecins et autres chercheurs africains à publier leurs travaux. Ceux qui ont des articles ou des livres à publier peuvent nous contacter via notre site internet: afrimed98.over-blog.com.

Nous avons également besoin d’aide des bailleurs de fonds pour réaliser nos objectifs.


Question de curiosité qu’aimez-vous dans la vie (ex. : sport, natation, voyager etc)?

Je pratique le basket-ball, mon sport favori.

J’aime voyager.

La rédaction du journal Œil d’humanité vous remercie d’avoir accepté cet entretien.

Please publish modules in offcanvas position.