Après 15 ans de règne sans partage du CNDD-FDD, le peuple burundais se prépare à renouveler toutes les institutions politiques du pays. Selon une source de premier plan au sein du cercle dirigeant, «si les tendances se maintiennent, le CNDD-FDD va tout droit vers la pire performance électorale de son histoire, au profit du Conseil national de Libération, le CNL d’Agathon Rwasa». Il y a quelques mois, il aurait été quasiment impossible de contempler la possibilité d’une alternance politique à la tête du pays. Pourchassés comme des bêtes, emprisonnés, torturés et d’autres tués, les opposants du régime ont encaissé bien des coups. Mais aujourd’hui la peur a fait place à l’espoir et le peuple se mobilise massivement derrière le CNL - le pays est à deux doigts d’une victoire du CNL.
Le fait est que Rwasa occupe le terrain sur tout l’étendu du territoire national. Alors qu’Evariste Ndayishimiye du CNDD-FDD doit déplacer les mêmes dignitaires et militants de commune en commune pour gonfler ses meetings à l’instar du Major Buyoya en 1993, le candidat du CNL a adopté la stratégie de Melchior Ndadaye et mène une campagne bien ciblée qui attire des foules locales immenses malgré que les Imbonerakure et la Police empêchent souvent la population à se rendre aux lieux des meetings du CNL.
Plusieurs sources proches du pouvoir nous indiquent que «parmi les dignitaires et les soi-disant militants qui soutiennent monsieur Ndayishimiye, beaucoup voteront Rwasa et le CNL lors des scrutins. Beaucoup de gens suivent le candidat du CNDD-FDD par peur pour leur sécurité physique et financière».
Les déçus du régime sont nombreux!
Selon notre analyse, le parti au pouvoir ne s’attendait pas à ce que le CNL soit suffisamment implanté dans tout le pays, 15 mois seulement après son agreement officiel. Ainsi, le “candidat des généraux” s’est lancé en campagne électorale sans programme et sur fond des slogans désuets, vieux de 15 ans. Au lieu d’une campagne électorale digne de ce nom, le CNDD-FDD a entamé ce qui ressemble à une tournée nationale pour présenter le curriculum vitae de son candidat.
En même temps, après 3 semaines de campagne, Agathon Rwasa a complètement démoli le bilan du pouvoir en place tout en proposant aux Burundais un programme bien peaufiné. A ceux et celles qui se demandent pourquoi l’électeur burundais devrait renouveler le mandat du CNDD-FDD, la réponse du général Ndayishimiye s’attarde toujours. Plusieurs sources nous indiquent que le candidat Evariste Ndayishimiye sera proclamé président, même s’il perd les élections – il y aurait quelques généraux qui prépareraient un putsch électoral du style 21 octobre 1993 pour barrer la route à Rwasa.
En tenant compte de tous les variables sur terrain, on ne peut que conclure qu’Agathon Rwasa représente aujourd’hui ce que Melchior Ndadaye représentait en 1993 – le changement. Evariste Ndayishimiye est au courant que ses rêves présidentiels se dissipent devant une montée fulgurante du candidat du CNL. Aujourd’hui, c’est avec insistance que le peuple réclame une alternance politique à la tête du pays. Vouloir imposer le général Ndayishimiye comme président de la république sera catastrophique pour tout le pays - et pour des décennies.
En conclusion, nous sommes de l’avis que le scrutin de 2020 soit une question de mandat et non une question de vie ou de mort. Que tous les acteurs se ressaisissent! Qui perd aujourd’hui gagne demain, et qui gagne aujourd’hui perd demain. C’est ça la démocratie.
Du reste, si la CENI se transforme en outil du pouvoir sortant et que quelques généraux interviennent pour imposer à la tête du pays un candidat défait aux urnes, le verdict du peuple burundais sera le même qu’en 1993 – et il sera sans appel. Entretemps, la mobilisation populaire derrière Rwasa et le CNL s’intensifie.
Dr. Jérôme Bukuru
* Un article d'opinion qui n'engage que son auteur