Dans une lettre envoyée, le 18 février 2021, au Premier ministre, Alain Guillaume Bunyoni, les syndicats SYNAPA et SNTS font état d’un climat malsain qui règne au sein du ministère de la Santé publique et de la Lutte contre le Sida. Ils dénoncent également des magouilles qui s’opèrent au sein de ce ministère. Le ministre de la Santé publique, Thaddée Ndikumana, est pointé du doigt.
« Nous voudrions vous informer d'une situation liée à une mauvaise gouvernance qui a déjà terni l'image du ministère auprès des partenaires, des travailleurs et des usagers », indiquent le Syndicat national du personnel paramédical et d’appui de la santé publique (SYNAPA) et le Syndicat national des travailleurs de la santé (SNTS).
Les deux syndicats dénoncent une absence de dialogue social. « Depuis son arrivée à la tête du ministère, le ministre de la Santé a d'abord brisé le dialogue social qui était devenu une culture au sein dudit ministère pendant plusieurs années et qui avait réglé pacifiquement pas mal de problèmes. » Selon ces deux syndicats, le ministre Thaddée Ndikumana argue que le pays n'est pas dirigé par les syndicats alors que le dialogue social est inévitablement l'un des quatre piliers du travail décent, piliers devenus des éléments centraux du nouveau Programme de développement durable pour 2030.
Les syndicalistes parlent d’un scandale dans la gestion des ressources humaines.
« Le personnel du ministère est confronté à une déstabilisation scandaleuse opérée par l'autorité de tutelle. Cette déstabilisation a deux sens, le premier étant celui de ceux qui sont soupçonnés d’offrir des pots de vin et qui font le mouvement vers les centres villes ou les capitales tandis que l'autre est celui de ceux qui se sont retrouvés en situation de mutations non demandées et non négociées sans même tenir compte de la distance et de leurs situations familiales. »
L'important n'étant pas le rendement qui est recherché chez chaque travailleur, soulignent les syndicalistes, mais plutôt le placement de ses surenchéris dans des postes et places qu'ils désirent, les victimes n'étant pas autres que ceux qui dénoncent les injustices sociales et les malversations qui s'opèrent sur leurs lieux de travail.
« Tout ça est opéré malgré la note de suspension des mutations qu'il a lui - même signée. »
Les deux syndicats font savoir qu’il s’observe également des recrutements illégaux du personnel c’est-à-dire en dehors du circuit de recrutement jusqu'ici tracé par le statut général des fonctionnaires.
« Pire encore, les travailleurs qui ont des difficultés avec le ministère public sont directement remplacés avant la clôture du procès sans tenir compte des délais prévus par la loi. Lorsqu'ils gagnent le procès, ils ont des difficultés d'être réintégrés. »
De scandale en scandale
Les syndicats évoquent un scandale dans la gestion des biens publics. « L'initiative malheureuse de vouloir privatiser toutes les morgues publiques du pays, manifestée par la signature d'une convention signée en date du 20 décembre 2019 entre le ministère et l'agence des morgues et d'organisation des funérailles AGEMOF-Burundi en est l'exemple malgré que le gouvernement sortant eût recommandé d'annuler cette convention, on a fait la sourde oreille pour la mettre en application petit à petit. »
D’après eux, l'AGEMOF-Burundi continue à négocier des contrats d'exécution dans les hôpitaux nationaux de Bujumbura
Une gestion opaque des fonds alloués à la Covid-19 est aussi signalée.
« Selon les informations en provenance des services de gestion du ministère, il semblerait qu'il existe un service de gestion des fonds alloues à la Covid-19 qui est parallèle aux services habituellement reconnus à travers l'organigramme du ministère. »
Les syndicalistes assurent que cette information a été confirmée après avoir pris connaissance des lettres du Directeur général des ressources adressées respectivement au Directeur des opérations d'Urgences de Santé publique et Directeur général de l'INSP sur la gestion du carburant et du charroi destiné au Covid - 19 « alors que c'est bien lui qui est sensé mieux connaître les questions en rapport avec la gestion des ressources du ministère par rapport aux destinataires de ces lettres. »
Les syndicats fustigent aussi des manœuvres de violation du principe d'égalité des citoyens devant le service public.
« Alors qu'il avait annoncé que les ouvertures des pharmacies et autres formations sanitaires sont suspendues sans même signifier les raisons, des pharmacies dénommées « pharmacies express » continuent à être ouvertes sans passer par des services qui s'en occupent habituellement. » Les syndicalistes confient que le circuit est ouvert pour les uns tandis qu'il est fermé pour les autres.
« Ces manœuvres cachent des pots-de-vin et sont condamnés par le public en général et les syndicats SYNAPA et SNTS en particulier parce qu'il viole la constitution de la République du Burundi. Ces manœuvres montrent à suffisance que les citoyens burundais ne bénéficient pas les mêmes droits d'accès et ne subissent pas le même traitement devant le service public. »
Les deux syndicats évoquent un scandale dans la nomination d'un cadre par décret présidentiel au Centre Neuro-Psychiatrique de Kamenge « CNPK » alors que cette institution revêt un statut d'Association sans but lucratif (a.s.b.l).
« Le ministre Thaddée Ndikumana a piégé le président de la République sortant feu Pierre Nkurunziza en lui faisant signer un décret présidentiel d'un membre de sa lignée familiale comme directeur adjoint chargé des soins au CNPK alors que le statut de cette ASBL ne prévoit pas ce poste et que l'autorité nantie du pouvoir de nomination des responsables du CNPK est l'Archevêque de Bujumbura. »
Constatant cette manœuvre, poursuivent les deux syndicats, la direction générale de ce centre et son personnel ont spontanément rejeté le décret qui reste jusqu'ici dans la poche de la personne bénéficiaire. « Constatant la non application du décret, le ministre a ajouté du drame au drame en tentant le mettre en application par force. C'est ainsi qu'il a envoyé certains membres du Service national de renseignement (SNR) pour intimider la direction générale et le personnel sans effet. » Pour les deux syndicats, il aurait été sage s'il avait démissionné de sa fonction de ministre parce que la faute qu'il a commise est une faute lourde. « Paradoxalement, il persiste toujours dans cet acte ignoble en intimidant la direction générale du CNPK pour qu'il cède en acceptant de recevoir le bénéficiaire du décret dans un poste qui n'existe pas. »
Gaudence Uwineza |Phare Africa Bujumbura