Burundi : la suspension de 4 institutions œuvrant dans la filière café pourrait être lourde de conséquences

Burundi : la suspension de 4 institutions œuvrant dans la filière café pourrait être lourde de conséquences

Burundi : la suspension de 4 institutions œuvrant dans la filière café pourrait être lourde de conséquences

By / Tuesday, 10 March 2020 00:00


Le gouvernement du Burundi vient de prendre la décision de suspendre 4 institutions nationales qui travaillaient jusque-là dans la filière café. Il s’agit de la SOGESTAL, de l’INTERCAFE, du CENAC Murima w’Isangi et de SODECO. Ces organisations qui œuvrent dans la filière café et dont les missions sont différentes ont été sommées de remettre leur matériel de travail au gouvernement du Burundi, selon le communiqué lu par le Ministre de l’Agriculture et de l’Elevage, Deo Guide Rurama, ce mardi, 28 janvier.  Des observateurs s'inquiètent des conséquences de cette décision.

«Le gouvernement ne peut pas développer lui seul la filière café. Le gouvernement devrait suivre de près plutôt toutes les activités relatives à la filière café, de la culture du café jusqu’à sa vente sur le marché international. Si le gouvernement opte de s’engager en solo dans cette filière, c’est-à-dire qu’il limite même les investisseurs potentiels qui pourront apporter leurs capitaux pour développer le café car il y a des charges que le gouvernement et les cultivateurs du café ne peuvent pas à eux seuls satisfaireLibéraliser cette filière signifie avoir de la concurrence, ce qui permettra au Gouvernement d’avoir une plus-value. Il ne faut pas oublier que le Burundi n’a pas une production plus importante que le Vietnam, l’Ethiopie et le Brésil. » indique Faustin Ndikumana, consultant, sur une radio locale. Il déplore aussi les taux de change en cours qui ne favorise pas, selon lui, l’investissement dans la filière café. 

Jusqu’ici, la libéralisation de la filière café du Burundi était théoriquement suivie par la Banque Mondiale. Cette banque avait mis en place des institutions comme l’INTERCAFE qui regroupent les investisseurs, les producteurs, les transformateurs, les exportateurs, les torréfacteurs et dont les missions étaient d’assurer la responsabilité opérationnelle au quotidien relatives à la filière café telles que la production, la transformation, la commercialisation et l’exportation. L’INTERCAFE sert d’organe de règlement des conflits au premier niveau entre les acteurs qui en sont membres, mais aussi dans l’encadrement et la vulgarisation. Ils sont responsables des achats d’engrais et de la distribution des engrais au niveau des producteurs. Il travaille avec CNAC-Murima w’isangi dans l’encadrement et la vulgarisation. Ils effectuent des missions conjointes dans la promotion du café du Burundi à l’étranger. Est-ce que c’est pour ces raisons que le gouvernement vient de décider de leur suspension ?

En effet, selon des informations dont détient la rédaction, « le gouvernement du Burundi voudrait faire de la Russie un nouveau partenaire après avoir décidé de se réengager dans cette filière. Or, ce pays aurait déjà signifié qu’il ne dispose pas de moyens nécessaires pour couvrir toutes les charges de cette filière y compris l’achat. D’ailleurs, une des autorités du pays aurait déjà effectué une visite en Russie à la recherche des preneurs de café burundais » indique notre source.  Pour le moment, la rédaction ne dispose pas les raisons de ce revirement. Ce qui est sûr, les USA ont pris la décision de suspendre la participation du Burundi dans le salon du café organisé au mois de septembre. Pour le moment, les tractations auraient déjà commencé pour convaincre le gouvernement de revenir sur sa décision.

Sur les réseaux sociaux, des informations (non vérifiées) font état des retombées de la décision que le gouvernement a pris. Certaines vont à évoquer de la possible suspension des activités en cours ou au futur que la Banque Mondiale finançait au Burundi si une fois le gouvernement ne revenait pas sur sa décision même si le gouvernement voudrait, dans cette affaire, pousser la Banque Mondiale a lui accordé la gestion des appuis financiers qu’elle octroie dans ce secteur.

En 2012, l’INTERCAFE avait alerté. Cette alerte portait sur le café burundais qui se trouvait à l’agonie suite à plusieurs raisons, dont le manque d’encadrement des caféiculteurs, le manque de suivi de plants, le vieillissement du verger caféiocole, le manque d’entretien de ce même verger, le manque de paillis, le désintéressement de la population et d’autres raisons. Selon cette institution,  le café burundais, malgré son goût apprécié par pas mal de gens, allait en régressant, d’une année à l’autre.  Au moins une diminution de 40% de la récolte de café est enregistrée par an, ce qui conduit à prédire du moins, la diminution, ou même la disparition pure et simple du café, si le Gouvernement ne prend pas conscience. Parmi les stratégies de relance, l’INTERCAFE projetait à 40.000 tonnes de café, dans un plan dénommé « Plan Quinquennal » de 2012 à 2016.

Pour y arriver, il fallait un montant de plus de 360 milliards, dont la grande partie devra être affectée à la formation des agents modèles de la société, l’achat des engrais chimiques, le remplacement du verger déjà vieux ainsi que la disponibilisation des produits phytosanitaires, et bien d’autres. Or, au cours de la campagne café 2016-2017, la production a été de 14.674 tonnes de café vert, pour la campagne 2017-2018 les chiffres sont de 15.864 tonnes, soit une augmentation de près de 2% que l’année précédente ; avant d'ajouter que la production escomptée pour la campagne 2018-2019 a été d'environ 20.000 tonnes, donc d’1/2 voire 1/3 des prévisions de l’INTERCAFE.

Au Burundi, la culture du café est pratiquée par près de 600 000 ménages ruraux. Le pays produit essentiellement du café Arabica. Introduit à l’époque coloniale, le café n’est plus la culture la plus rentable à l’export. Il est désormais devancé par le thé, aussi bien à la production qu'à l'exportation. En 2017, le thé devient le premier produit exporté, avec 9.2 millions de dollars d’entrées dans la caisse de l’Etat, contre 3.1 millions de dollars pour le café. «La privatisation de la filière café  n’a pas produit les résultats escomptés et a été bénéfique pour les commerçants au détriment des caféiculteurs.» conclut Gabriel Rufyiri, le Président de l’Observatoire de lutte contre les malversations économiques.

Gaudence UWINEZA

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