« Même si le pays semble être sur la voie de la normalisation, il y a de bonnes raisons de rester très préoccupé par la situation désastreuse des droits de l’homme au Burundi. »
Ce sont les propos de Doudou Diène, président de la Commission d'enquête des Nations Unies sur le Burundi lors de la publication, ce jeudi 16 septembre 2021, de son cinquième rapport au siège des Nations Unies à Genève.
« Nous appelons toutes les personnes soucieuses du Burundi à regarder sous la surface. Depuis l'investiture du président Ndayishimiye il y a 15 mois, non seulement de graves violations des droits de l’Homme ont continué d’être commises, mais à certains égards la situation s'est détériorée. »
Selon cette commission, les promesses initiales du président burundais, Evariste Ndayishimiye, d'améliorer la situation des droits de l’homme dans un pays ravagé par des années de répression violente et de rétablir l'État de droit, des mesures structurelles en vue d’apporter des changements durables n’ont toujours pas vu le jour.
« L'espace démocratique reste étroitement fermé et de graves violations des droits de l’homme ont continué d'être commises depuis l'entrée en fonction du président en juin 2020. »
D’après cette Commission des Nations unies, les militants du parti d’opposition, le Congrès national pour la liberté (CNL), les anciens membres des Forces armées burundaises (ex-FAB) dominées par les Tutsis, les rapatriés et certains membres de leurs familles ont été ciblés par les forces de sécurité.
« Certains ont été exécutés, d'autres ont disparu ou ont été torturés alors qu'ils étaient détenus arbitrairement. »
Malgré une relative accalmie, la commission trouve que le climat politique reste très intolérant vis à vis des voix dissidentes.
Selon la Commission, le gouvernement envoie des signaux contradictoires.
« Tout en levant certaines sanctions imposées à la société civile et aux médias et en libérant certains défenseurs des droits de l’homme et journalistes, le gouvernement a pris des mesures, en parallèle, pour renforcer son contrôle sur le travail des ONG internationales et fait régulièrement preuve d’une hostilité manifeste envers le journalisme indépendant. »
Comme principaux auteurs de ces violations, dont certaines pourraient constituer des crimes contre l'humanité, le rapport pointe du doigt les agents du Service national de renseignement (SNR), des policiers y compris des Groupes mobiles d'intervention rapide (GMIR) et les Imbonerakure, la ligue des jeunes du parti au pouvoir au Burundi le CNDD-FDD.
« Ils continuent de bénéficier d'une impunité généralisée pour leurs actions, comme c'est le cas depuis 2015. »
D’après la commissaire Françoise Hampson, l'Etat de droit au Burundi continue de s'éroder malgré l'intention déclarée du Président Ndayishimiye de le restaurer.
« Lorsque les décisions du gouvernement sont prises arbitrairement, même à des fins positives, cela a une influence globalement corruptrice. Au Burundi, on ne peut pas non plus compter sur le pouvoir judiciaire pour prévenir ou remédier aux violations des droits de l’homme. Notre rapport montre comment l'exécutif n'a fait que renforcer son contrôle de la justice sous la nouvelle administration ».
Pour rappel, la Commission d'enquête des Nations Unies sur le Burundi a été le seul mécanisme international indépendant, au cours des cinq dernières années, à documenter, surveiller et rapporter les violations des droits de l’homme au Burundi. Depuis sa création, elle a mené plus de 1770 entretiens, y compris à distance, principalement en République démocratique du Congo (RDC), au Rwanda, en Tanzanie, en Ouganda, ainsi qu’au Burundi. La Commission doit présenter son rapport au Conseil des droits de l'homme le 23 septembre 2021.
Steve Baragafise/Phare Africa Bujumbura