Pré-bilans de l’impact du COVID-19 sur les économies africaines 

Pré-bilans de l’impact du COVID-19 sur les économies africaines 

Pré-bilans de l’impact du COVID-19 sur les économies africaines 

/ SOCIETE / Wednesday, 16 December 2020 19:35


 Par Sneiba Mohamed  

Source photo ISS AFRICA

Alors que la pandémie du coronavirus (Covid-19) amorce une seconde vague en Europe, la catastrophe que craignaient les spécialistes a pu être évitée par l’Afrique, le continent ne comptant, pour l’instant, que quelques dizaines de milliers de décès, soit un peu plus que la France, l’Espagne ou le Royaume-Uni. Mais sur le plan économique, l’Afrique subit de plein fouet les effets d’une crise d’ampleur mondiale.  

Selon la 21ème édition du rapport Africa’s Pulse, publication semestrielle de la Banque mondiale sur les perspectives économiques et les enjeux de développement de l’Afrique subsaharienne, la pandémie a déclenché la première récession de la région en 25 ans, avec une croissance économique qui devrait passer de 2,4 % en 2019 à une fourchette de -2,1 à -5,1 %. Les perturbations économiques causées par cette pandémie mettent à mal les progrès économiques atteints au cours des dix dernières années. L’inquiétude que suscite la persistance de la pandémie et l’absence d’informations fiables sur la course vers un vaccin anti-COVID-19 font que tous les efforts se concentrent aujourd’hui sur l’impact économique du COVID-19 en Afrique et dans le monde. 

Malgré une arrivée tardive, l’épidémie de COVID-19 s’est rapidement étendue à toute l’Afrique subsaharienne ces dernières semaines. Le manque de capacités pour réaliser des tests dans de nombreux pays suggère que les chiffres sous-estiment très probablement le nombre réel de cas.  

En dehors de la situation épidémiologique incertaine causée par la pandémie, l’impact du Covid-19 sur les économies africaines tient compte, nécessairement, de scénarios envisagés sur la base de l’efficacité des réponses politiques et la durée prévue (imprévue ?) de la crise. Mais toutes les projections présupposent un ralentissement important de l’activité économique en Chine, aux États-Unis, dans l’Union européenne qui sont les principaux partenaires commerciaux de l’Afrique. 

En 2020, la baisse du PIB en Afrique subsaharienne est due à la diminution des exportations (4 % de moins), des investissements privés (8 %) et de la consommation des ménages (6 %). L’évolution des exportations est due à l’augmentation des coûts commerciaux. L’investissement est plus faible pour au moins deux raisons : la réduction des IDE et le report des investissements intérieurs; et la baisse de l’épargne publique (augmentation du déficit) et la baisse de l’épargne des ménages. Par contre, la baisse des importations a des effets positifs sur le PIB. 

Chute des exportations 

Le scénario tant redouté, depuis le déclanchement de la pandémie, est en train de se réaliser. Une récente étude de la CNUCED estime que la croissance du produit intérieur brut (PIB) de l’Afrique pourrait passer de 3,2% à 1,8 % en 2020.  

Cette révision à la baisse du PIB en Afrique tient toutefois compte de tous les impacts du ralentissement de l’économie mondiale sur la croissance africaine, a précisé l’agence onusienne. « En revanche s’il y a une expansion importante de la pandémie en Afrique, les projections annoncent une grave récession qui pourrait s’inscrire dans la durée. 

La pandémie du coronavirus est venue compliquer une situation qui n’était pas déjà favorable en Afrique. Etant donné qu’en 2019, la croissance économique mondiale a été la plus faible depuis une décennie, on s’attendait à un ralentissement de l’activité économique sur le continent. Maintenant, à la suite des conséquences de la pandémie sur la récession mondiale qui se profile partout, pour l’année 2020, l’impact négatif très direct sur les exportations, sur la croissance économique et sur les emplois en Afrique est déjà visible dans plusieurs pays du continent. 

Les pays exportateurs de pétrole risquent d’être les plus durement affectés alors que les cours de l’or noir sont en chute libre. Il s’agit en premier chef du Nigéria - premier exportateur de pétrole en Afrique - mais aussi l’Algérie, l’Angola et la Libye ». 

La Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique (CEA) estime que le Covid-19 pourrait entraîner une baisse des recettes d’exportations de l’Afrique de plus de 100 milliards de dollars en 2020. Selon la CEA, rien que les pertes des exportations totales du Nigéria de pétrole brut seraient estimées cette année entre 14 et 19 milliards de dollars. Une situation économique exacerbée, en cette période de crise sanitaire, par le manque de diversification des économies africaines.  

La demande mondiale du pétrole et des produits énergétiques, en chute à cause de la récession mondiale, perturbe le commerce extérieur des pays africains comme la Guinée équatoriale, la République du Congo et le Gabon - qui ne sont pas de grands exportateurs en volume – mais dont les économies sont très fortement tributaires des exportations de pétrole.  

Au-delà du pétrole, d’autres pays africains sont tributaires des exportations d’autres produits de base et de métaux tels que le fer, l’or, le cuivre et le poisson. En Afrique de l’Ouest, des pays comme le Mali et le Burkina Faso sont ainsi dépendants de certaines exportations agricoles telles que le coton. Pour tous ces pays, le Covid-19 rime aussi avec l’impact de la chute des cours mondiaux des matières premières et de la réduction de la demande internationale qui est provoquée par la récession mondiale. La réduction de la demande de matières premières presque partout dans le monde affecte les recettes en devises des Etats africains notamment ceux qui font face au lourd fardeau de la dette. 

L’espoir est cependant permis avec l’éventualité d’une reprise de l’activité économique en Chine, premier importateur mondial de matières premières. Cela ne permet pas de résorber tous les déficits, du fait de la récession dans les pays industrialisés, mais de limiter la casse pour les pays africains qui comptent parmi les plus grands partenaires commerciaux de Pékin. Pour autant, les plus grandes fragilités africaines se trouvent être les secteurs du tourisme et du transport aérien « qui risquent d’être décimés si l’épidémie se prolonge », selon l’avis d’un expert. 

Des estimations suggèrent que le PIB serait en permanence inférieur de 1 %, dans le scénario optimiste. Dans le scénario catastrophique où la crise dure plus de 18 mois, le PIB serait inférieur de 4 %, de manière presque permanente. L’Afrique subsaharienne, dans la mise en œuvre de ses plans de reprise, ne reviendrait pas alors de si tôt aux niveaux du PIB antérieurs à la COVID-19, en dépit de taux de croissance en glissement annuel remontant aux niveaux antérieurs à la pandémie. 

 Baisse de la consommation 

La détérioration des termes de l’échange touche également une partie importante de la consommation interne des ménages ainsi que des entreprises. On suppose également que la pandémie s'atténue et que l'activité reprend lentement en Chine, dans un contexte de marasme mondial. Selon ce scénario, la croissance mondiale chutera jusqu'à 3,5 points de pourcentage en 2020, avec un fort ralentissement aux États-Unis, dans la zone euro et en Chine, avant de reprendre en 2021 à mesure que les effets du virus COVID-19 s’estompent et que l’activité mondiale se redresse progressivement. 

Sinon, dans le scénario catastrophe, avec une pandémie qui se poursuit jusqu’à fin 2021, les chocs internes à court terme entraineraient un rétrécissement du marché du travail, une augmentation des coûts commerciaux et une réduction des investissements. Les IDE diminuent en raison de l’incertitude accrue quant à l’avenir et des interruptions de voyages et des communications internationales. Pour les pays africains, la réduction des entrées d’IDE en 2020 est de plus grande ampleur que celle lors de la pandémie d’Ebola en Afrique de l’Ouest en 2014. 

Dans les pays connus pour être des destinations privilégiées pour les touristes étrangers (Maroc, Tunisie, Kenya, Egypte, Sénégal), l’augmentation des coûts de transaction s’accompagnera d’une diminution de 2% de la productivité totale du secteur, en raison des capacités inutilisées dues à la baisse de la demande.  

L’effet sur la productivité du travail est elle aussi un impact important du Covid-19 sur les économies africaines. Ces variations de la productivité du travail se basent sur les niveaux de PIB prévus dans les scénarios de crise. L’on estime que, au plus fort de la pandémie, le commerce entre les pays d’Afrique subsaharienne a chuté d’environ 90 % en raison de la fermeture des frontières et de l’augmentation des coûts commerciaux. 

Tous ces dérèglements, à l’échelle du continent, suggèrent que le COVID-19 aura un impact considérable sur la croissance économique des pays d’Afrique subsaharienne, même dans le scénario le plus optimiste d’une réponse rapide et efficace. Les estimations montrent que le PIB serait inférieur à celui du scénario d’avant la crise d’environ 5,7 % en 2020 et de 1,0 % en 2021. La croissance de la région passerait de 2,6 % en 2019 à -2,5 % en 2020. 

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