Bleu, jaune et vert: la nuit venue, le dôme du centre de conférences de Kigali s’illumine de mille feux aux couleurs du Rwanda, semblant vouloir attirer tous les regards dans la capitale, et bien au-delà. En moins de dix ans, ce pays petit et enclavé s’est imposé comme une destination africaine pour les conférences, tournois sportifs et autres concerts, jouant sur son image proprette de « Singapour africain » pour dynamiser son économie.
Kigali était en 2019 classée deuxième ville africaine en nombre d’événements accueillis, derrière Le Cap, selon l’association internationale des conférences et conventions (ICCA).
Badge autour du cou, sacoche et costume de rigueur, Ghislain Kanfany est venu participer à une réunion de producteurs africains de plantes dans un grand hôtel de Kigali. Cet expert agricole sénégalais note la propreté de la capitale ainsi que la stabilité de ce pays, dirigé d’une main ferme par le président Paul Kagame depuis 1994.
« Le Rwanda fait partie des pays les plus stables d’Afrique de l’Est. Donc (…) les gens se sentent à l’aise, en sécurité, quand ils viennent à ce genre de rencontres », ajoute M. Kanfany avant de franchir les lourdes portes battantes menant à la salle de conférences.
Aux abords de la ville, les organisateurs d’un tournoi de qualifications africaines de cricket saluent, eux, la maîtrise de la pandémie de Covid-19 ainsi que la facilité de l’accès au pays.
« Il n’y a pas beaucoup de paperasse, ils ont bien des procédures mais cela témoigne aussi de leur organisation », estime le Sud-Africain Kuben Pillay, du Conseil international du cricket (ICC).
Pour Trevor Ward, de la société de conseil W Hospitality Group, basée à Lagos, le Rwanda coche de nombreuses cases pour développer l’industrie dite « MICE » (pour « Meetings, Incentives, Conferences and Exhibitions ») à commencer, outre son image, par son offre touristique et ses infrastructures.
Ces dernières années, le pays a ainsi inauguré en 2016 le Kigali Convention Center (KCC) – avec son dôme inspiré des anciens palais royaux du Rwanda -, puis le stade de cricket de Gahanga en 2017 et enfin la Kigali Arena, dédiée aux événements culturels et sportifs en 2019. En parallèle, des hôtels d’affaires ont ouvert leurs portes.
Le pays soutient également sa compagnie aérienne, RwandAir, et construit un nouvel aéroport international.
« Le gouvernement du Rwanda a fait beaucoup d’efforts », insiste Janet Karemera, directrice adjointe du Rwanda Convention Bureau, l’agence publique en charge de promouvoir le secteur.
La responsable admet cependant l’existence de « défis », comme les connexions aériennes – Kigali étant loin d’être un hub aéroportuaire comme le sont Addis Abeba ou Johannesburg.
Mais le boom du secteur a un revers, selon certaines ONG.
Human Rights Watch a ainsi accusé en septembre dernier le pouvoir d’avoir arrêté des personnes homosexuelles ou transgenres, des enfants des rue ou encore des prostituées en amont d’une réunion des chefs de gouvernement du Commonwealth (CHOGM), finalement reportée en raison de la pandémie.
« La stratégie du Rwanda de promouvoir Kigali comme un hub pour les réunions et les conférences signifie souvent des abus constants contre les plus pauvres et les plus marginalisés de la capitale », a dénoncé l’ONG dans un communiqué.
Interrogé par l’AFP, le gouvernement dénonce des propos « visant à porter préjudice à un secteur stratégique de l’économie ».
Le RCB insiste lui sur l' »effet domino » de long terme attendu, les événements amenant à la fois des revenus pour l’Etat, comme les frais d’immigration, et pour le secteur privé.
Trevor Ward confirme que le secteur des MICE apporte de nombreuses retombées économiques.
« Il y a plusieurs avantages sociaux, le plus évident est la création d’emplois mais vous avez aussi des liens avec les industries support: la restauration, l’audiovisuel, le nettoyage, les fleurs », énumère cet expert, pointant cependant la difficile évaluation de ces bénéfices indirects.
Le Rwanda est un petit pays de 13 millions d’habitants, où l’agriculture emploie les deux tiers des travailleurs. Enclavé, il est également soumis à de coûteuses importations.
Ce secteur – comme le tourisme en général – permet ainsi au pays d’attirer de précieuses devises étrangères nécessaires au paiement des importations, mais a également pu contribuer à alourdir sa dette, en forte croissance, estiment des sources consultées par l’AFP.
De plus, les revenus qu’il génère restent faibles – seul environ 1% du PIB, selon RCB.
Entre 2016 et 2019, ils avaient rapidement progressé, passant de 47 millions de dollars (42 millions d’euros) à 65 millions, mais se sont effondrés à 5,4 millions en 2020 en raison de la pandémie, ajoute le bureau.
Janet Karemera se dit cependant optimiste, soulignant que le calendrier 2022 affiche déjà plusieurs événements majeurs, dont le CHOGM, reprogrammé en juin.
Puis, en 2025, le pays des mille collines doit accueillir les Championnats du monde de cyclisme, une première sur le continent africain.
La Libre Afrique