Burundi : bilan alarmant des inondations

Burundi : bilan alarmant des inondations

Burundi : bilan alarmant des inondations

By / SOCIETE / Thursday, 20 May 2021 14:28


Depuis plusieurs jours, le Burundi fait face à des inondations surtout avec la montée du Lac Tanganyika et des crues des rivières Rusizi, Mpanda et Kajeke. L’administration locale de la province Bujumbura parle déjà de 2 morts. Selon la Croix-Rouge du Burundi, 6.392 ménages ont été déplacées suite aux inondations causées par le débordement de la rivière Rusizi. La solidarité nationale et internationale est plus que nécessaire.

Depuis le 11 mai 2021, les crues de la Ruzizi et les grandes vagues du Lac Tanganyika ont redoublé d'intensité. Selon le rapport, du 18 mai 2021, du Bureau de coordination des affaires humanitaires (OCHA), 6. 392 ménages comptant 33.982 personnes, dont 11.322 hommes et 22.560 femmes, sont de nouveau en déplacement et viennent s'ajouter aux 1.441 ménages en attente de réinstallation qui demeuraient dans les sites.

Depuis janvier 2021, plusieurs épisodes d'inondations, les uns plus sévères que les autres, sont survenus suite à la montée des eaux du Lac Tanganyika et au débordement de la rivière Ruzizi, affectant les zones de Gatumba et de Rukaramu de la commune Mutimbuzi en province Bujumbura.

Le site spontané des déplacés de Kigaramango qui comptait 365 ménages est complètement inondé. Les sinistrés qui y étaient installées, depuis mai 2020, ont été évacués vers celui de Maramvya -Sobel.

Depuis le 12 mai dernier, des centaines de ménages vivent et dorment à la belle étoile tout le long de la RN4, la route qui mène vers la frontière entre le Burundi et la RDC. Les quelques biens qu’ils ont pu sauver sont entassés tout près de la route. D'autres se regroupent dans des familles d'accueil des quartiers de Kinyinya l et de Gatumba. De plus, les infrastructures sanitaires (latrines) ont été inondées, exposant ainsi la population aux maladies des mains sales. 

Des dégâts énormes

La zone de Gatumba connaît depuis 2015 des inondations récurrentes dont l'une des plus sévères et récentes remonte à mai 2020. Les sites créés pour abriter temporairement les populations déplacées sont en place depuis bientôt une année. Cette longévité est due essentiellement au fait que l'eau ne s'est pas complètement retirée dans certains quartiers Mushasha l, Mushasha II et une partie de Gaharawe.

Des dégâts sur les maisons, les infrastructures publiques comme les écoles, les routes et les structures sanitaires, ainsi que les cultures en phase de maturation et les moyens de subsistance viennent empirer les conditions et le niveau de vie des populations déjà affaiblies par les séquelles des précédentes inondations de mai 2020 et la persistance d'effets socio-économiques de la Covid - 19.

« Les maisons sont détruites, d'autres sont sous l'eau et risquent de s'écrouler. La majorité des personnes déplacées ne sont pas parvenues à protéger leurs articles non alimentaires. Les sinistrés des sites spontanés vivent dans des conditions précaires, sous des abris de fortunes et sans nattes, couvertures ni moustiquaire », indique OCHA. Selon cet organisme onusien, cette situation qui impose une grande promiscuité pose un risque accru de maladies liées aux mauvaises conditions de vie ainsi que de contamination Intra-communautaire à la Covid-19.

« Nous n’avons rien à manger. Nos champs ont été dévastés », déplore un habitant du quartier Kinyinya I. Ce que confirme OCHA : « La plupart des ménages déplacés affirme qu'ils ne disposaient pas de stocks alimentaires avant le choc. La farine de manioc, pourtant l'une des denrées de base de l’alimentation, se fait rare au marché, occasionnant une spéculation sur les prix. La destruction des cultures au niveau des versants de la Rusizi, Mugafyo, Mubito, Ruvyagira, dont l'étendue reste à déterminer, pourrait plonger les ménages, majoritairement agricoles, dans un déficit alimentaire prolongé, jusqu'à la récolte de la saison A 2022. » De plus, poursuit l’organisme, les activités sur le lac sont devenues dangereuses à cause des fortes vagues, privant ainsi les pêcheurs de la possibilité de se procurer du poisson pour leur alimentation et la commercialisation.

Au niveau de la santé, OCHA dresse un bilan alarmant. « Les cliniques privées de Mushasha I et II ont été complétement inondées. Cependant, le Centre de santé et l'Hôpital public de Gatumba restent fonctionnels. La perte des moyens économiques des populations impacte, par ailleurs, l'accès aux soins de santé. Les nouveaux sinistrés éprouvent des difficultés à accéder aux soins gratuitement par manque de jetons d'enregistrement. »

Dans les quartiers de Gatumba, poursuit OCHA, des fontaines à eau sont englouties et la population puise l'eau de surface. « La désinfection du milieu inondé est plus qu'urgent, en particulier quand l'eau commencera à se retirer. La population du site de Maramvya - Sobel a sensiblement augmenté, aussi les 30 000 litres d'eau par jour produit par le forage ne pourront plus suffire pour les 1566 ménages, dont 616 ont été relocalisés entre le 15 et le 17 mai. » Pour OCHA, il est urgent d'augmenter cette capacité par le raccordement au réseau de la REGIDESO (Régie de Production et de Distribution d’eau et d’électricité du Burundi). Depuis le 14 mai, la zone de Gatumba est déconnectée du réseau de la REGIDESO, ce qui prive d'eau potable toute la population vivant dans des zones surélevées. Les tuyaux d'approvisionnement de cette localité ont été endommagés par les crues des eaux.

Le secteur éducatif a été également touché

« Les inondations ont affecté les écoles fondamentales Mushasha l, Mushasha Il et Kinyinya I. Ainsi, 5 580 élèves et enseignants ont momentanément suspendu les cours. Les écoles de Mushasha I et II ont été obligées de suspendre les activités scolaires pendant plus de deux mois. Comme conséquence, elle a été classée au dernier rang de la direction communale de l'enseignement de Mutimbuzi au test de certification et d'orientation de la 9ème année, édition 2019-2020. » Du 25 mai au 27 mai 2021, les élèves en fin de cycle fondamental vont faire le Concours national. Les parents ne savent plus à quel saint se vouer. « Vont-ils réussir alors qu’ils n’ont pas révisé les cours. Leurs cahiers ont été emportés par les eaux. Les responsables éducatifs tentent de trouver des solutions alternatives mais c’est difficile. Nous ne savons plus quoi faire », se lamente une maman de Kinyinya I. Ils demandent au ministère de l’éducation de repousser la date du concours.

Pour OCHA, la protection demeure un défi pour les acteurs de la réponse. Avec des nouveaux déplacements, les besoins vont s'amplifier en termes de protection. « Un risque de mouvement pendulaire des enfants vers la ville, l'exploitation des enfants, les mécanismes négatifs de survie et les VBG sont entre autres, des risques à monitorer. »   

Le ministre de l’Intérieur promet des solutions prochainement

Ce lundi 17 mai 2021, le ministre de l'Intérieur, du Développement communautaire et de la Sécurité publique, Gervais Ndirakobuca, s’est rendu à Gatumba et Rukaramu en commune Mutimbuzi pour se rendre compte de la situation. Il était accompagné par les ministres en charge de l'environnement, des travaux publiques et le gouverneur de la province de Bujumbura. Le ministre Ndirakobuca a indiqué qu’ils vont donner le rapport au président de la République. « Nous viendrons dans quelques jours avec des pistes de solutions. Préparez vos cœurs ! » Il exhorte les sinistrés d'accueillir favorablement les mesures qui seront arrêtées par le gouvernement.

Toutefois, le ministre Gervais Ndirakobuca a mis en garde ceux qui avaient loués des maisons dans les zones inondées. « Il faut aller louer ailleurs. Il ne faut pas s’attendre de l’aide de l’Etat. » Apparemment, seuls les bailleurs seront aidés.  Le ministre a exhorté les autorités administratives locales à faire une identification des personnes qui ont véritablement besoin d’une assistance. De plus, selon le ministre, le gouvernement n’exclut pas une délocalisation des habitants des zones inondées. Ce qui n’est pas au goût de ces derniers.  Les habitants demandent aux autorités de commencer plutôt les travaux de canalisation de ces rivières. « Qu’ils nous apportent de tentes, des couvertures et de la nourriture et des médicaments. Nous allons attendre que la situation se calme. Bientôt, c’est la saison sèche. »

Les organisations humanitaires semblent impuissantes. « Ce dernier développement exacerbe les vulnérabilités préexistantes. La capacité des acteurs humanitaires reste limitée. L'appel à la solidarité nationale et internationale devient plus qu'urgent », conclut OCHA.

La délocalisation à tout prix

Le Professeur Bernard Sindayihebura, géographe, explique que la hausse du niveau du Lac Tanganyika s’observe depuis 2018. Selon lui, le lac a dépassé son niveau normal c’est-à-dire 775 m. Aujourd’hui, le niveau du lac est à 776 m 58 cm. D’après ce géographe, ce phénomène s’est déjà observé entre 1961 et 1964. Pour lui, la délocalisation des habitants est la seule solution pour le moment. « Tant que cette rivière ne sera pas endiguée ou canalisée, tous ces gens seront toujours vulnérables. Le site de Gatumba est toutes les années sous l’eau suite aux débordements de la Rusizi. »

Concernant la montée du Lac Tanganyika, le professeur Jean-Marie Sabushimike, géographe, évoque les changements climatiques. Néanmoins, l’aménagement du territoire sans respecter l’environnement est, selon lui, un facteur aggravant. D’après lui, les zones tampons ont été détruites afin d’y ériger des plages et des hôtels. De plus, les 150 m de distance entre le lac et les constructions ne sont pas respectés. 

Comme solutions, le professeur Jean-Marie Sabushimike propose de mettre sur pied un schéma directeur d’aménagement du territoire et d’urbanisme qui n’existe pas aujourd’hui. De plus, il faut un plan local d’urbanisme qui tiendra compte de l’occupation des sols selon les spécificités des unités de paysage, avant de parler de l’agglomération urbaine dans son ensemble. « Chaque commune urbaine devrait avoir son plan d’urbanisme. Les communes devraient avoir un autre outil d’urbanisme moderne : le plan de prévention des risques (PPR). » Selon lui, c’est un document qui montre les zones à risques géographiquement et qui aide dans la prévention des risques comme les inondations, les glissements de terrain, etc.

Gaudence Uwineza | pam Bujumbura

 

 

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Steve

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