La République démocratique du Congo, immense pays instable au coeur de l'Afrique, s'enfonce dans la crise politique, matérialisée par des violences à l'intérieur du Parlement, au lendemain de l'annonce par le chef de l'Etat de la fin de la coalition au pouvoir.
Signe qui ne trompe pas: la communauté internationale s'inquiète de nouveau pour le pays, qui "ne peut pas se permettre une crise institutionnelle grave", a prévenu l'émissaire de l'ONU pour la RDC, Leïla Zerrougui.
Le Conseil de sécurité doit se prononcer d'ici le 20 décembre sur l'avenir de sa Mission au Congo (Monusco), présente depuis plus de 20 ans.
A Kinshasa, des députés ont saccagé lundi le mobilier - chaises et pupitres - à la tribune de la salle des séances dans l'Assemblée, où le bureau avait convoqué une séance plénière sur la gestion des entreprises publiques d'eau et d'électricité.
Mais l'heure n'est plus aux affaires courantes en RDC, plus grand pays d'Afrique subsaharienne déjà paralysé par des conflits sans fin et très meurtriers pour les civils dans sa partie Est (Kivu, Ituri), aux richesses minérales très convoitées, et à la corruption systémique.
Le président Félix Tshisekedi a annoncé dimanche la fin de la coalition au pouvoir qu'il formait depuis janvier 2019 avec la majorité parlementaire de son prédécesseur Joseph Kabila.
M. Tshisekedi a aussi annoncé qu'il souhaitait trouver une nouvelle majorité, faute de quoi il se réservait la possibilité de dissoudre l'Assemblée.
Dans l'après-midi, il a reçu à sa demande le Premier ministre pro-Kabila, Sylvestre Ilunga, ont indiqué les services du chef du gouvernement.
L'échange a porté sur "la démission du Premier ministre", a déclaré un conseiller du président à l'AFP, ajoutant: "Comment va-t-il travailler sans avoir la confiance du chef de l'Etat?".
"Après une audience de près d'une heure avec le chef de l'Etat, le Premier ministre Ilunga préside en ce moment une réunion du comité multisectoriel de lutte contre la pandémie à Covid-19", ont indiqué les services du Premier ministre sur Twitter en début de soirée.
- Accord secret -
"Violation flagrante et intentionnelle de la Constitution", "coup d'Etat constitutionnel", "régime dictatorial au service d'un pouvoir personnel": la majorité parlementaire Front commun pour le Congo (FCC) a condamné les décisions "unilatérales" annoncées dimanche par le président.
Le FCC va demander à son "autorité morale", Joseph Kabila, de "donner sa part de vérité" sur la crise au sommet de l'Etat.
Qu'il semble loin le temps des espoirs et de l'euphorie du 24 janvier 2019, quand le président Kabila remettait les insignes du pouvoir à Félix Tshisekedi, après 18 ans à la tête de l'Etat.
Soulagés, les Congolais et leurs "partenaires" saluaient la première transition pacifique dans l'histoire agitée du Congo.
Au préalable, MM.Tshisekedi et Kabila avaient signé un accord secret de coalition, en lien avec le résultat officiel des élections organisés le 30 décembre 2018, avec deux ans de retard.
M. Tshisekedi avait remporté la présidentielle et M. Kabila gardait le contrôle du Parlement, selon ces résultats proclamés avant même la fin du dépouillement des bulletins de vote aux législatives dans certains endroits comme à Goma (Est).Des résultats contestés par une partie de l'opposition, et même remis en cause pendant quelques jours par l'Union africaine (UA) et la France.
Cette coalition a volé en éclats après des mois de crise et de tensions, et les "consultations" menées par le chef de l'Etat en novembre.
Vent debout contre M. Tshisekedi, le FCC pro-Kabila a rappelé lundi qu'il avait "une majorité absolue issue des élections de 338 députés sur 500".
En face, la plate-forme Cap pour le changement (Cach) de Félix Tshisekedi a lancé il y a plusieurs jours une pétition pour la démission du bureau de l'Assemblée nationale et de sa présidente, la très pro-Kabila Jeanine Mabunda.
Selon des témoignages recueillis par l'AFP, ce sont des députés du parti de M. Tshisekedi qui ont fait le coup de poing lundi dans l'enceinte de l'Assemblée nationale.
"La séance plénière de ce lundi 7 décembre est reportée à une date ultérieure", a indiqué le bureau de l'Assemblée, en dénonçant "la destruction" du mobilier ainsi "la présence de gardes du corps armés non contrôlés par les services de l'Assemblée nationale".
AFP