L’organisation de lutte contre les malversations économiques, OLUCOME en sigle plaide pour que le gouvernement revienne sur sa décision de fermeture des bureaux de change. C’est dans une correspondance officielle que cette organisation a adressé ce mercredi au Président Evariste Ndayishimiye.
«Il y a de spéculations autour des devises au Burundi. Non seulement, les gens n’ont pas de temps pour faire la queue dans les banques commerciales pour faire l’échange mais aussi les devises sont devenues comme la drogue. Elles se vendent a des pris très exorbitants. Les commerçants sont toujours en difficultés de travail et les touristes ne trouvent plus l’intérêt de venir pour le tourisme. Ils vont dans les pays de la sous-région et la diaspora fait recours au troc, ce qui complique davantage la situation économique du pays» indique Gabriel Rufyiri, le Président de l’Olucome.
En effet, depuis le mois de Février de cette année, la Banque Centrale a unilatéralement décidé de fermer les bureaux de change qui opèrent sur tout le territoire national. Pour cause, les bureaux de change n’ont pas respecté les injonctions de la Banque centrale en matière de politique de change.
« La BRB a édicté une nouvelle réglementation des changes en date du 17 septembre 2019. Celle-ci obligeait les changeurs de fixer les taux de change journaliers dont la marge bénéficiaire ne dépasse pas 15%, de délivrer des bordereaux après chaque opération, d’acquérir un logiciel de gestion des bureaux de change. Malgré ces décisions, des manquements ont été relevés en rapport à la mise en œuvre de cette réglementation. Ce sont notamment, la fixation des taux qui ne se réfèrent pas aux taux officiels, une mauvaise exploitation du logiciel (BUREX) qui gère les opérations de change et le marché libre (appelé également marché parallèle ou marché noir car il est caché donc dans l’ombre, dans le noir) des devises qui persiste. » avait fait savoir le patron de la BRB, Jean CIZA.
Cependant, selon les analystes de la macroéconomie burundaise, cela semblait être un prétexte car l’Etat éprouvait des difficultés financières importantes d’où il fallait miser sur le contrôle du marché des devises. D’ailleurs, certaines décisions y relatives avaient précédé celle de la fermeture de bureaux de change. En guise d’illustration, trois mois plutôt, le Ministre de l’hydraulique de l’énergie et des mines d’alors Côme MANIRAKIZA avait annoncé, par un communiqué de presse qu’il avait rendu public la suspension des activités d’achat et de vente de l’or par les comptoirs locaux. Seule la banque de la République du Burundi (BRB) gardait les prérogatives d’acheter de l’or par les coopératives et les sociétés minières.
« Il est demandé aux comptoirs qui disposent des stocks d’or de les vendre à la Banque Centrale. Les activités d’achat des autres types d’autres minerais ne sont pas concernées. Toutefois, il leur est recommandé d’effectuer des ventes en monnaie locale conformément à la réglementation en vigueur. Nous demandons instamment aux services chargés de l’immigration, à l’OBR et aux services concernés de faire respecter cette mesure » avait fait savoir le Ministre Côme Manirakiza.
S’agissait-il d’une mesure conséquente à la décision du Ministre d’octroyer tous les pouvoirs d’achats et de vente de l’or à la Banque Centrale? Selon le bulletin du 4eme trimestre 2018 sur le commerce extérieur de l’ISTEEBU, « au premier trimestre 2018, l’or a alimenté le pays 50,23 milliards de FBu tandis qu’à la même période, le café a alimenté le pays à hauteur de 21, 60 milliards de FBu. Au quatrième trimestre 2018, l’or a procuré au pays 4, 81 milliards de FBu tandis qu’à la même période, le café l’a fait à hauteur de 32, 61 milliards de FBu. » d’où la stratégie du Ministre Manirakiza pour que l’Etat contrôle les recettes de l’or et partant des devises qui viennent des ventes. Dans ce même sens, la Banque Centrale précise également dans un communiqué officiel que la facilité ouverte aux résidents de détenir des comptes en devises n’était pas une autorisation de conclure des transactions en devises entre résidents pour le paiement des biens situés au Burundi ou des services rendus au Burundi.
D’après le rapport de la BRB sur la politique monétaire du 1er trimestre 2019, les réserves officielles se sont repliées de 20,1% par rapport au trimestre précédent s’établissant à 56,13 millions contre 70,25 millions USD (jusqu’au 31 décembre 2018). En glissement annuel, elles ont baissé de 22,2% et couvraient 0,7 contre 1,0 mois d’importations de biens et services au même trimestre de 2018. Cependant, le niveau planché est fixé à 4,5 mois dans les critères de convergence de la Communauté Est Africaine (CEA). C’est-à-dire que le pays doit avoir des réserves de devises pour importer les biens et les services pendant au moins 4 mois. Ce qui n’est malheureusement pas le cas pour le Burundi. En 2013, la BRB a réussi à maintenir le niveau des réserves à 3,8 mois d’importations.
Le secteur financier burundais est demeuré résilient en 2017 grâce à la reprise économique amorcée après la situation macroéconomique difficile qu’a traversée l’économie du pays depuis 2015. Toutefois, certains risques macroéconomiques persistent et leurs retombées adverses continuent à impacter le secteur financier. Il s’agit notamment du déficit budgétaire, la dépréciation de la monnaie nationale, la baisse des cours du café ainsi que la croissance économique modérée dans les principaux pays partenaires commerciaux extérieur du Burundi. Ces risques ont entrainé la dégradation de la qualité du portefeuille crédits et des pressions sur la liquidité bancaire.
Steve Baragafise